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INTERVIEW – ÉLISE VIGNAUD, FONDATRICE DE LISSIP : « QUAND ON S'OFFRE UN SIROP LISSIP, ON S'OFFRE UNE EXPERIENCE OLFACTIVE, GUSTATIVE QUI VA METTRE TOUS LES SENS EN ÉVEIL » (France)

Saveurs et associations originales, démarche responsable et solidaire, Élise Vignaud et Lissip entendent changer l’image du sirop et lui rendre ses lettres de noblesse avec fraîcheur, audace et authenticité.

INTERVIEW – ÉLISE VIGNAUD, FONDATRICE DE LISSIP : « QUAND ON S'OFFRE UN SIROP LISSIP, ON S'OFFRE UNE EXPERIENCE OLFACTIVE, GUSTATIVE QUI VA METTRE TOUS LES SENS EN ÉVEIL » (France)

Saveurs et associations originales, démarche responsable et solidaire, Élise Vignaud et Lissip entendent changer l’image du sirop et lui rendre ses lettres de noblesse avec fraîcheur, audace et authenticité.

Catégorie : Europe - France - Interviews - Produits et Fournisseurs - Fournisseurs - Interviews
Interview réalisé par Christopher Buet le 13-04-2023


Il est là à tous les repas, sur la table, juste à côté de la bouteille d’eau. Ce flacon contenant un liquide plus ou moins épais aux couleurs et parfums saturés évoque invariablement les cocktails de l’enfance et ces boissons doucement sucrées qui titillaient les papilles et la gourmandise. Qu’il soit de menthe ou de grenadine, de fraise ou d’orgeat, le sirop est incontournable et se décline à l’infini pour le plaisir de toutes et tous.

Ce plaisir, Élise Vignaud le goûte depuis sa plus tendre enfance. Aussi loin qu’elle se souvienne, il y a toujours eu du sirop chez elle et dans son verre. Pourtant, avec les années, elle se rend compte qu’elle ne trouve plus ce qu’elle recherche. Trop de sucre, de colorants ou d’arômes ajoutés.

À la sortie du premier confinement en mai 2020, elle décide de se lancer à son compte et entreprend de confectionner son propre sirop. Ce choix n’a rien d’une lubie et répond à un désir d’affirmation et de réalisation après dix ans de salariat dans les cosmétiques pour de grandes marques.

Pas question de faire comme les industriels ou de reproduire ce qui existe déjà. La jeune femme se forme au savoir-faire artisanal pour revenir aux fondamentaux. Pas question de recourir à des arômes ajoutés ou des colorants. Son nectar sera le plus simple possible dans le respect de la tradition. Toutefois, qui dit simple ne dit pas simpliste. L’ancienne élève d’HEC a l’ambition de proposer des créations audacieuses et authentiques. Après de multiples essais, elle aboutit à cinq recettes originales, dont hibiscus-pomme-gingembre. Une composition qui regroupe tout ce qu’elle désire, à savoir le mariage du fruit avec une herbe et des épices. Cette audace paie, puisque cette saveur recevra le prix des Épicures, distinction attribuée par un panel de professionnels.

En trois ans, cette amoureuse de gastronomie et de pâtisserie a imposé son style et fait de Lissip une marque reconnue qui commence doucement à débarquer sur les tables des grands restaurants et des hôtels. Alors qu'elle est en pourparlers avancés avec un restaurant étoilé parisien, Élise Vignaud s’est entretenue avec le Journal des Palaces pour évoquer sa philosophie de travail et ses envies d’hôtellerie de luxe.

Journal des Palaces: Quel est votre parcours avant de lancer Lissip?
Élise Vignaud: J’ai travaillé pendant dix ans dans l’univers des cosmétiques, dans de grands groupes et pour des marques internationales. J’ai toujours été animée par l’envie d’entreprendre. J’étais heureuse comme salariée, mais au bout de dix ans, j’ai franchi le cap et poussé les portes de l’entrepreneuriat. J’ai eu cette idée de sirop et c’est ainsi que tout a commencé.

Pourquoi avez-vous décidé de lancer Lissipen mai 2020?
Le sirop m’a toujours accompagnée. Quand j’étais petite, chez moi, il n’y avait pas de soda. J’ai toujours connu le flacon de grenadine dans le placard et c’est quelque chose que je continue étant adulte. Mais, je ne trouvais pas de marque qui correspondait à mon mode de consommation. J’essaie de consommer sain et raisonnable et c’est un produit qui a été trop longtemps maltraité par les industriels, à coups d’arômes ajoutés, de colorants et de conservateurs. Ils n’auraient pas dû. Je fais souvent la comparaison avec les confitures, où, même une confiture bas de gamme ne contiendra pas de conservateur ou d’arôme ajouté. Le sirop est, selon moi, la version liquide d’une confiture. Il n’y a aucune raison de mettre toutes ces cochonneries dedans. On prend une grande casserole, on met un fruit qu’on a transformé en jus, du sucre, un peu d’eau et c’est en procédant de la sorte que l’on élabore un sirop. Un sirop de menthe n’est pas vert fluo! Or, aujourd’hui, si vous présentez à un enfant un sirop de menthe qui n’est pas de cette couleur, il va se demander ce que c’est. Ce produit a trop longtemps été dévalorisé pour des raisons de coûts de production. L’idée était de retravailler le produit en quelque chose de bon et bien fait, et de lui rendre ses lettres de noblesse. Je voulais retrouver le vrai goût de cette boisson.

D’où vient votre passion pour le sirop?
C’est une boisson formidable et il y a peu de produits dans l’univers des boissons avec lesquels nous pouvons réaliser autant de choses. Un sirop peut se boire dans de l’eau, tout simplement, mais on peut aussi l’utiliser en cocktail, en cuisine, pour napper un yaourt ou une glace, déglacer une poêle, en vinaigrette… On peut le boire chaud en infusion, en remplaçant un sachet de tisane. C’est un produit multifonctionnel que chacun peut personnaliser. Si vous aimez quand c’est très intense, vous allez en mettre plus et inversement. C’est un produit que je trouve très intéressant et il méritait qu’on s’attarde dessus pour le traiter comme il doit l’être.

Quelles sont vos méthodes de travail?
Je voulais retravailler le produit sur trois piliers. Déjà, je voulais qu’il soit beau avec des bouteilles épurées et élancées. Nous sommes sur un positionnement adulte, nous ne visons pas les enfants. Ensuite, il fallait que ce soit bon. Nous ne voulions pas faire la énième grenadine du marché, car ce n’est pas de cette façon que la marque allait se construire. Notre ADN est d’aller faire des associations, des mariages de saveurs à partir de fruits, de légumes, d’épices et d’herbes aromatiques, en s’inspirant de ce qui se fait en gastronomie et en pâtisserie. Le troisième pilier repose sur le bien fait, ce qui signifie aucun ajout d’arôme, de colorant ou de conservateur. Nous travaillons avec des produits bruts, frais (ou sec pour les herbes et épices), que nous allons transformer en jus, faire infuser avant de les réduire en sirop. Il y a un vrai retour à la naturalité, nous ne trichons pas.

Quelles sont vos valeurs ?
Les valeurs de la marque sont l’authenticité, la naturalité et l’audace. Ce sont les valeurs que nous allons défendre dans notre façon de faire, ce que nous allons faire et comment nous allons le présenter.

Comment préparez-vous vos sirops ?
Nous avons, par exemple, un sirop concombre, citron, menthe. Nous allons recevoir des concombres que nous allons éplucher, presser, etc. Nous voulons retrouver ce savoir-faire traditionnel au service de l’innovation dans les saveurs. En gastronomie, j’ai souvent été déçue, car on nous dit qu’il y a plusieurs parfums et, en réalité, il y en a toujours un ou deux que nous ne ressentons pas. J’élabore les recettes et je porte une attention particulière à l’équilibre des saveurs. Dans nos sirops, nous mettons trois ingrédients en avant sur l’étiquette. Quand j’annonce framboise-rose-pomme, il faut vraiment que le consommateur perçoive ces trois saveurs, même s’il y a une dominante.

Comment avez-vous appris ?
Dans ma cuisine, j’ai fait des dizaines d’essais de recettes, puis je suis allée me former dans un centre professionnel agricole. Par ailleurs, j’ai appris les spécificités, le cahier des charges d’un sirop, les mesures de pH et toutes les propriétés techniques pour avoir un produit stable. Cette formation m’a permis de valider tout ce que j’avais fait de mon côté, d’échanger avec des fournisseurs et des prestataires. Au début, j’allais à Rungis le matin chercher ma matière première, avant de la transformer dans la journée. Maintenant que l’entreprise a grandi, nous travaillons directement avec les producteurs qui nous livrent.

Quelle est votre démarche dans le choix de vos produits et de vos fournisseurs ?
Nous essayons de travailler essentiellement avec un sourcing français, dans la mesure du possible. Nos fraises viennent du Lot-et-Garonne, nos framboises de Nuits-Saint-Georges, en Bourgogne, nos pommes de vergers vendéens, nos pêches de la région Rhône-Alpes. Le sirop est un produit qui se conserve, donc nous pouvons produire hors saison. Nous avons aussi certains ingrédients que nous allons directement nous faire livrer en jus, car nous ne pouvons pas forcément tout transformer. Tout cela nous permet de travailler toute l’année.

Quelles relations entretenez-vous avec vos producteurs et fournisseurs ?
Je croise certains de mes producteurs lors de salons professionnels. D'autres avec lesquels je partage des clients communs. Nous n’avons pas forcément le temps de nous appeler tous les jours, mais nous essayons d’entretenir un lien privilégié avec nos partenaires.

En quoi cette démarche écoresponsable vous tient-il à cœur ?
Je ne vais pas aller chercher des fraises en Espagne ou du sucre de canne qui va devoir prendre l’avion, cela n’a aucun sens ! Nous tentons de limiter notre impact carbone. Ensuite, nous avons le label « fabriqué à Paris et en Île-de-France », qui est un gage de qualité.

Quelle est la politique RSE de l’entreprise ?
D’un point de vue environnemental, par la nature du produit, le sirop est écologique dans le sens où il permet de réduire l’impact des boissons à usage unique. Une bouteille de sirop peut vous faire de 20 à 40 verres, et remplacer cinq à six bouteilles de jus. C’est une boisson concentrée, donc cela limite le transport, la logistique, les emballages. Nos contenants sont en verre, recyclables à l’infini.

Sur le plan social, nous travaillons en aval de production puisque le conditionnement et la logistique de l’envoi aux clients vont être assurés par un ESAT (établissement ou service d’aide par le travail), qui emploie des personnes en situation de handicap. Notre production se fait dans un chantier d’insertion professionnelle, qui emploie des personnes sorties à un moment du système.

D’un point de vue économique enfin, nous travaillons avec des fournisseurs et prestataires français sur les étiquettes, les bouteilles, les ingrédients... À notre échelle, car nous restons une petite entreprise, nous avons mis en place un écosystème.

Nous construisons autour de notre démarche, mais en plus, le produit, lui-même, s’inscrit au sein de celle-ci.

D’où vous est venue l’idée de mettre en place cet écosystème vertueux et local ?
Cela vient de l’évolution de la société et d’une quête de sens aussi. Cela fait partie de la démarche entrepreneuriale de vouloir faire les choses mieux sur différents points de vue. Cela colle à mon style de vie aussi. Je fais très attention à mes déchets, à bien consommer.

Vos associations de saveurs sont aussi audacieuses que déroutantes. Comment choisissez-vous les parfums que vous souhaitez travailler ?
Je suis une passionnée de gastronomie. J’adore manger, aller au restaurant, tester de nouvelles choses et cuisiner. Soit les associations me viennent naturellement parce que j’ai goûté un plat dans lequel il y avait ce type d'association, soit cela peut être une demande. Nous sommes assez présents sur les réseaux sociaux et nous interrogeons souvent notre communauté sur les saveurs qu’elle aimerait. De la même façon, nous la sollicitons lorsque nous hésitons entre deux saveurs. Cela aboutit à des combinaisons fraîches et acidulées comme fraise-menthe-citron, ou plus rondes comme pêche de vigne-verveine-citron, ou plus exotique comme gingembre-pomme-hibiscus ou fève de tonka-pomelo-orange.
Aujourd’hui, cela plaît et c’est pour cela que la marque est reconnue : personne d’autre ne fait de telles associations. Lissip existe depuis trois ans, et nous avons déjà reçu quatre prix des Épicures. Cela montre qu’il y a un vrai gage de qualité. Nous faisons aussi partie du collège culinaire de France.

Ces récompenses vous ont-elles permis de rencontrer et de travailler avec des établissements haut de gamme ?
Au début, je n’ai pas démarché les hôtels de luxe, mais les épiceries fines, parce que je voulais avoir un réseau et une légitimité BtoC. Nous commençons à travailler avec des établissements plus haut-de-gamme. Nous sommes dans des hôtels, des restaurants bistronomiques et nous avons signé un partenariat très excitant avec un grand restaurant étoilé parisien dont je ne peux pas révéler le nom. J’ai réalisé un sirop exclusif sur-mesure que l’on retrouvera à différentes étapes, du bar à l’assiette.

Nous sommes également en discussions avec un palace parisien pour leur carte du bar (des mini-formats de 10cl seront aussi distributés dans les chambres comme cadeau d'accueil, ndlr). Nous souhaitons vraiment développer ces partenariats parce qu’aujourd’hui, les établissements de luxe ont des problématiques de manque de personnel et d’exigence de produits. Or, nos sirops ont l’avantage d’avoir des saveurs tellement travaillées que cela leur évite d’en utiliser plusieurs pour un cocktail, par exemple. Cela fait gagner du temps, de l’argent, de la place, de la logistique… Il y a une dimension pratique et nos sirops sont aussi très premium et qualitatifs. Ils répondent ainsi à la demande.

Votre offre sur-mesure s’étend-elle aussi à la partie logistique et marketing ?
Absolument. Le client a la possibilité de choisir une saveur de notre catalogue et y apposer son étiquette sur la bouteille. De la même façon, s’il a une idée de création, il peut nous faire un brief afin que nous lui confectionnions un sirop sur-mesure (à partir de 700 bouteilles commandées, ndlr) qu’il pourra servir dans son restaurant et même commercialiser à son image.

Quels types de relations avez-vous avec les hôtels de luxe et les restaurants gastronomiques ? Ont-ils des exigences particulières ?
Ils sont très friands de travailler avec des petits producteurs, car ils savent qu’il y a une attention particulière dans la qualité, la démarche. Concernant le restaurant étoilé avec qui nous allons collaborer, ses directeurs sont venus voir nos ateliers de production parce que c’était une condition très, très importante pour eux. J’ai pu leur raconter comment nous travaillons, leur présenter l’équipe. Ils aiment ce travail artisanal et précis et ils le recherchent, car aujourd’hui, nous voulons savoir l’histoire qui se trouve derrière un produit. Cela leur permet en suite de la raconter à leur clientèle. Une relation de confiance s’est établie.

Combien de collaborateurs compte la société ?
Nous sommes trois. En tant que fondatrice, je suis un peu sur tous les fronts. Nous avons une personne en charge de la partie commerciale et une autre plus concentrée sur le marketing et la communication.

Quels sont vos objectifs en termes de partenariats, de distribution et de ventes ?
Nous voulons continuer dans notre démarche. Bien évidemment, j’ai envie que la marque grossisse et grandisse, mais pas au détriment du produit. Nous voulons conserver un savoir-faire traditionnel, le fait main. Nous n’automatisons rien et c’est important pour maintenir une constance dans la qualité des produits.

Pensez-vous que le sirop puisse être considéré comme un produit de luxe ?
Tout peut être considéré comme un produit de luxe à partir du moment où c’est bien fait. Il n’y a pas que le caviar qui peut être luxueux. Notre marque et notre sirop sont déjà considérés comme du luxe par rapport à ce que les gens ont l’habitude de consommer. Aujourd’hui, quand on s’offre un sirop Lissip, on s’offre une expérience olfactive, gustative qui va mettre tous les sens en éveil. Je pense effectivement qu’un sirop peut être considéré comme un produit de luxe. Nous sommes l’un des produits les plus chers dans l’univers du sirop. Nous sommes le caviar des sirops, même si nous restons accessibles, si vous voulez vous faire plaisir.

Quelles limites vous mettez-vous dans vos créations ?
Nous ne nous mettons pas de limites. Les possibilités de création sont infinies. Nos seules limites sont les problématiques de place et de temps.

Quelle est votre dernière nouveauté ?
Nous venons d’en sortir une nouvelle citron-citron vert-romarin, donc pas de nouveauté prévue dans les mois à venir. Nous ne lançons qu’un à deux nouveaux sirops par an. Nous avons commencé par cinq références et nous en comptons désormais douze ou treize.

De quelle création êtes-vous la plus fière ?
Le sirop dont je suis la plus fière est gingembre-pomme-hibiscus qui faisait partie des cinq sirops avec lesquels j’ai lancé la marque. C’est lui qui a reçu la médaille d’or du Prix Épicures. C’est une vraie fierté, car ce produit a immédiatement plu à un jury de chefs étoilés, de critiques gastronomiques et de professionnels du secteur.

Quelle est votre vision du luxe ?
Le luxe doit être inspirant, authentique et révéler une certaine audace en s’inscrivant dans une démarche durable et responsable. Le luxe doit montrer l’exemple.

A propos de l'auteur

Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.


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