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LEADER - NICOLAS KIPPER, DIRECTEUR GÉNÉRAL, CORINTHIA GRAND HOTEL ASTORIA BRUSSELS : « LE LUXE N'EST PAS UNE QUESTION DE SNOBISME, C'EST UN PERFECTIONNEMENT CONTINU » (Belgique)

L'expert du luxe international partage ses grandes ambitions pour le nouveau fleuron de l'hôtellerie à Bruxelles.

Catégorie : Europe - Belgique - Interviews et portraits - Interviews - Les Leaders du secteur
Interview de Sonia Taourghi le jeudi 16 octobre 2025


Nicolas Kipper a officiellement pris ses fonctions de directeur général du Corinthia Grand Hotel Astoria Brussels le 24 mars 2025

Nicolas Kipper a officiellement pris ses fonctions de directeur général du Corinthia Grand Hotel Astoria Brussels le 24 mars 2025
Crédit photo © Sonia Taourghi / Journal des Palaces


Rencontrer un Strasbourgeois et se sentir en terrain connu est une sensation particulièrement agréable. Surtout dans un salon à la décoration éclectique et cosy du Corinthia Brussels, l'un des hôtels les plus luxueux de Belgique.

L'accent alsacien, sa jovialité et son aisance ne trompent pas : Nicolas Kipper est bien un produit d'Alsace, malgré une carrière à travers le monde qui l'a conduit à s'installer à Bruxelles en mars 2025. Ce passionné du voyage a commencé sa carrière après des études au lycée hôtelier de Strasbourg, animé par une ambition claire : explorer le globe. Son parcours l'a conduit exclusivement dans l'univers du luxe et de l'ultra-luxe, notamment au sein des groupes Marriott, Accor et Hyatt.

Fort de sept années d'expérience à Istanbul et de nombreux postes à responsabilité internationale, il a été personnellement approché par Simon Casson, CEO de Corinthia Hotels, pour diriger le Corinthia Brussels. Sa mission : transformer cet établissement emblématique en un véritable palace, le premier en Belgique, offrant un niveau de service comparable à celui des établissements qui portent officiellement ce label.

Comment définiriez-vous votre approche de l'hôtellerie de luxe ?

Ce que j'aime particulièrement dans ce métier, c'est de ne jamais accepter le statu quo. Je cherche constamment à perfectionner les détails, à remettre en question nos pratiques et à les améliorer.
Même avec un produit exceptionnel comme le Corinthia Brussels, je me concentre sur l'amélioration du service pour qu'il soit en parfaite harmonie avec le cadre. C'est un défi passionnant, car ce niveau de luxe n'existe pas encore en Belgique.

Notre ambition est claire : atteindre le niveau des palaces parisiens. Je crois fermement que maîtriser le luxe permet de tout faire, alors que l'inverse n'est pas vrai.

C'est cette quête d'excellence qui me motive chaque jour, cette volonté de pousser les équipes à se dépasser et à offrir une expérience véritablement exceptionnelle.

Quelle est la relation entre le prix et le service dans le secteur de l'ultra-luxe ?

Les clients sont aujourd'hui prêts à payer davantage pour un produit exceptionnel, mais ils sont particulièrement sensibles au service. C'est là que se joue la véritable différenciation.

Il est relativement facile de créer un produit exceptionnel – des chambres somptueuses, des draps d'une qualité incroyable – mais le service, lui, est bien plus difficile à perfectionner.

Cependant, il faut trouver le juste équilibre. On pourrait théoriquement fixer n'importe quel prix, mais sans clientèle capable de le payer, un niveau de service exceptionnel n'a pas de sens.

C'est cette zone grise qui est fascinante : jusqu'où peut-on repousser l'excellence du service tout en restant dans une fourchette de prix acceptable pour notre clientèle cible ? C'est tout l'art de l'hôtellerie de luxe.

De votre expérience, qu'est-ce qui distingue l'ultra-luxe aujourd'hui ?

L'ultra-luxe émerge aujourd'hui comme une réponse aux grandes compagnies hôtelières qui ont du mal à différencier leurs marques de luxe de leurs autres enseignes.

Ces groupes, comme Marriott, Accor ou Hyatt – avec lesquels j'ai travaillé – doivent standardiser leur offre, ce qui complique la véritable différenciation.

Le véritable luxe, aujourd'hui rebaptisé ultra-luxe, est l'apanage des petites compagnies indépendantes qui peuvent apporter des touches personnalisées sans se conformer à un cahier des charges rigide.

C'est précisément ce qui fait la force de chaînes comme Corinthia, Rosewood, ou Mandarin Oriental. Nous pouvons vraiment faire la différence en restant dans une niche d'excellence, avec des établissements uniques plutôt que des complexes standardisés.

Vous êtes passé du Ritz-Carlton et des établissements Fairmont au Corinthia Brussels. Qu'est-ce qui vous a motivé à relever ce nouveau défi à « l'adresse la plus fabuleuse de Bruxelles » ?

C'est une histoire de connexions professionnelles et de timing. Je connaissais Simon Casson, notre CEO, depuis plusieurs années. Il avait déjà essayé de m'embaucher deux fois chez Four Seasons sans succès.

Nous sommes restés en contact et nous nous croisions régulièrement lors d'événements comme ILTM à Cannes, le Pôle emploi des directeurs d'hôtel !

Nous discutions déjà d'un autre projet lorsqu'il m'a simplement dit : « J'ai besoin de toi à Bruxelles. »

La suite est évidente ; me voici à la tête de ce joyau qu'est le Corinthia Brussels, avec l'ambition d'en faire le premier Palace de Belgique.

En tant que Directeur Général du Corinthia Brussels, quelle est votre stratégie pour recruter et fidéliser les talents d'exception dans le paysage concurrentiel de l'hôtellerie de luxe à Bruxelles et en Europe ? Avez-vous constaté des changements notables dans votre approche du recrutement ?

L'hôtellerie fait face à des défis considérables en matière de recrutement dans tout le monde occidental. Nos métiers sont exigeants : nous travaillons quand les autres s'amusent, notamment lors des moments importants avec la famille et les amis.

Pourtant, l'hôtellerie conserve une atmosphère familiale et conviviale qui est précieuse. J'observe souvent que les personnes qui quittent le secteur finissent par y revenir, car cette ambiance est difficile à retrouver ailleurs.

Pour favoriser la rétention, je m'assure que le comité de direction et moi-même sommes visibles et accessibles. Ces petites attentions – se souvenir qu'un employé vient d'avoir un enfant ou offrir du soutien lors d'un deuil – font toute la différence.

Nous organisons également des événements réguliers : réunions bimestrielles pour informer l'équipe, déjeuners mensuels pour les anniversaires… Ces rituels créent un sentiment d'appartenance essentiel.

Après avoir visité Bruxelles avant de prendre vos fonctions actuelles, comment caractériseriez-vous les qualités distinctives du secteur hôtelier bruxellois par rapport aux autres capitales européennes ?

C'est notre plus grand défi. Bruxelles, malgré ses charmes, reste une petite capitale qui n'attire pas naturellement la clientèle ultra-luxe comme Paris ou Londres.

Notre stratégie s'articule autour de deux axes. D'abord, nous développons des expériences liées aux événements culturels et sportifs de la région : festivals de musique, courses automobiles à Spa-Francorchamps, expositions d'art, ou même l'artisanat local comme la tradition des tailleurs.

Ensuite, nous exploitons notre position géographique privilégiée au cœur du triangle Amsterdam-Londres-Paris. Nous devons convaincre les voyageurs de faire une escale de qualité à Bruxelles plutôt que de simplement passer d'une capitale à l'autre.

Nous travaillons également en étroite collaboration avec les autorités locales pour dynamiser l'attractivité touristique de Bruxelles dans son ensemble.

Vous avez évoqué votre appréciation pour la convivialité des habitants de Bruxelles. Comment cette caractéristique culturelle influence-t-elle l'environnement de travail que vous développez au Corinthia ?

Notre deuxième clientèle par origine géographique est belge, ce qui montre déjà notre ancrage local. Nous cherchons activement à attirer les habitants des différentes régions de la Belgique – Flandre, Wallonie – vers Bruxelles.

Nous avons fait le choix stratégique de nous associer à des talents locaux reconnus : le chef David Martin (une étoile Michelin), le chef Christophe Hardiquest (2 étoiles Michelin) et Hannah, la meilleure mixologue de Belgique.

Cette approche est doublement bénéfique : elle génère un buzz autour de l'hôtel tout en l'ancrant dans le patrimoine gastronomique belge.

Nous avons également ressuscité des traditions de l'ancien hôtel Astoria, comme les concerts de musique classique dominicaux, afin de renouer avec l'histoire du lieu et d'offrir une continuité culturelle aux Bruxellois.

Fort de votre parcours, de Directeur de la Restauration à Directeur Général d'établissements prestigieux, quels conseils précieux donneriez-vous aux jeunes professionnels de l'hôtellerie de luxe ?

La patience est sans doute la qualité la plus importante, celle que je n'avais pas suffisamment moi-même en début de carrière. Les jeunes d'aujourd'hui ont les mêmes aspirations que j'avais - comme devenir directeur général rapidement - mais rien ne remplace l'expérience.

La différence majeure avec les générations précédentes n'est pas dans les aspirations, mais dans la communication et l'accès instantané à l'information. Ce qui n'a pas changé, c'est que ce métier s'apprend sur le terrain.

L'hôtellerie est un travail exigeant qui implique de gérer des êtres humains, tant du côté des clients que du personnel. Ce n'est pas comparable à l'industrie où l'on fabrique des produits standardisés.

Notre produit n'est jamais fini, il évolue constamment : que ce soit la nourriture ou les chambres. C'est ce qui rend ce métier si fascinant, mais aussi si complexe. Il faut être prêt à relever ce défi quotidien avec enthousiasme et persévérance.

Comment comptez-vous conjuguer l'héritage de Corinthia avec l'art de vivre belge pour créer une expérience de luxe distinctive ?

Notre ambition est de faire revivre la splendeur du passé avec des touches modernes. L'avantage du Corinthia Brussels est qu'il possède déjà une histoire riche que nous n'avons pas besoin d'inventer.

Nous investissons considérablement dans nos infrastructures : un spa fantastique, un restaurant gastronomique dirigé par un chef étoilé, une brasserie sous la houlette d'un chef doublement étoilé, et un bar avec une mixologie exceptionnelle.

Nous travaillons aussi à créer des expériences sur mesure qui dépassent le simple séjour hôtelier, des moments « Money Can't Buy », comme dirait Mastercard. L'objectif est d'inciter les clients à prolonger leur séjour d'un ou deux jours pour vivre ces expériences uniques.

Nous observons également une tendance croissante des « staycations ». Les locaux qui profitent des hôtels de leur propre ville. C'est une opportunité formidable de faire découvrir notre établissement aux Bruxellois et de nous intégrer davantage dans le tissu culturel et social de la ville.

En fin de compte, notre mission n'est pas de créer de la « magie », mais de proposer quelque chose d'exceptionnel : une expérience qui justifie pleinement le prix payé et qui incite nos clients à revenir, qu'ils viennent de l'autre bout du monde ou du quartier voisin.
 

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À propos de l'auteur

Amoureuse des rencontres humaines, Sonia a d’abord développé une carrière dans les médias, avant de s'installer à Londres et de se réorienter dans l’envers du décor digital. Comme une vocation, elle a repris sa plume pour partager la passion et les ambitions de l’hôtellerie de luxe.

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