Le Journal des Palaces

< Actualité précédente Actualité suivante >

INTERVIEW – FRANCESCA TOZZI, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L'HÔTEL SIX SENSES ROME : « UNE ÉCHAPPÉE BELLE FACE À LA FOLIE DE L'EXTÉRIEUR » (Italie)

À la tête du Six Senses Rome, Francesca Tozzi vient rehausser les exigences d’une hôtellerie romaine en plein essor, pour faire de Rome une destination internationale incontournable de la sphère luxe

INTERVIEW – FRANCESCA TOZZI, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L'HÔTEL SIX SENSES ROME : « UNE ÉCHAPPÉE BELLE FACE À LA FOLIE DE L'EXTÉRIEUR » (Italie)

À la tête du Six Senses Rome, Francesca Tozzi vient rehausser les exigences d’une hôtellerie romaine en plein essor, pour faire de Rome une destination internationale incontournable de la sphère luxe

Catégorie : Europe - Italie - Interviews et portraits - Interviews - Les Leaders du secteur
Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 04-08-2023


Voilà plus de 30 ans que Francesca Tozzi vit au rythme de sa passion. Vibrer au gré des ouvertures d’hôtels, des arrivées de clients, des rencontres de nouvelles équipes, de collaborations avec des architectes et autres artistes engagés à ses côtés… autant d’expériences et de moments clés qui lui font aimer son métier.

Fraîchement diplômée de la John Cabot University à Rome, Francesca Tozzi rejoint le groupe Four Seasons Hotels & Resorts en 1992. D’abord, à Milan, avant de s’envoler pour New York, où elle passe trois années et traverse différents départements. De la réception aux étages, cette expérience façonne sa vision de l’hôtellerie de luxe.

Son retour en Italie rime avec une bascule vers des groupes hôteliers familiaux, le groupe Villa d’Este d’abord, au sein duquel elle passe plus de neuf années. À la Villa d’Este, plantée dans le sublime décor du lac de Côme, elle déploie ses talents dans l’hébergement, avant de rejoindre Florence et la Toscane pour embrasser sa première mission de directrice générale à la Villa Massa. Elle gagne alors le Pellicano Hotels Group, au sein duquel elle évoluera durant plus de quatre années à la tête d’Il Pellicano, sur la presqu'île de Monte Argentario. Des hôtels empreints d’une forte identité, d’un charme à l’italienne, d’une histoire riche, où elle peut déployer son savoir-faire, teinté d’un attachement prononcé pour les connexions humaines, avec ses clients, avec ses équipes aussi.

L’italienne quitte la Toscane pour un projet d’envergure, en rejoignant le Capri Tiberio Palace. Là, elle prend la direction d’un hôtel « pas en très grande forme », pour en faire un joyau de l’hôtellerie capriote. Dix années de travail, accompagnée des propriétaires et de l’architecte Giampiero Panepinto, lui permettront de redorer l’image de cet établissement, de le faire entrer dans la cour des Leading Hotels of the World, et de l’adosser aux réseaux d’agences de voyage de luxe les plus prestigieux. Investie dans la rénovation, dans le repositionnement de l’hôtel, dans les choix de recrutement ou encore dans la dynamique commerciale, elle s’enorgueillit naturellement de la réussite de ce projet.

Pourtant, la Romaine ressent le besoin d’un nouveau départ, d’un retour aux sources et un projet situé à Rome lui tend les bras en 2021. Elle épouse cette nouvelle aventure, avant de céder aux sirènes de Six Senses, qui choisit la Cité Éternelle pour y fonder un hôtel urbain.

Pour le Journal des Palaces, Francesca Tozzi porte un regard sur cette nouvelle aventure qui l’emmène au firmament du luxe hôtelier.

Journal des Palaces : Pourquoi avez-vous choisi de faire carrière dans l'hôtellerie de luxe ?

Francesca Tozzi : Je suis tombée amoureuse de ce secteur dynamique dès mes débuts. J'ai fait partie de ces jeunes chanceux de 21-22 ans qui ont participé à l'ouverture d'un hôtel, avec une marque très importante (ndlr : Four Seasons Hotels & Resorts), qui ouvrait pour la première fois en Italie, et c'était à Milan.

Dès lors, je suis tombée amoureuse de toute cette action qui se déroule dans un hôtel. Ce métier est toujours très stimulant. Par ailleurs, j'ai toujours été ravie de rencontrer et de côtoyer des personnes, qu’il s’agisse de clients ou de collaborateurs.

Comment définiriez-vous l'hôtellerie de luxe ?

De nos jours, l'hôtellerie de luxe est liée à la sensation que le client éprouve et à l'attente qu'il a d'être dans un lieu magnifique et luxueux, ce qui est lié à un choix personnel. Le luxe est un sentiment quant à l'atmosphère et au séjour que l'on souhaite vivre, en fonction de la personne que l'on est.

Six Senses ne sera jamais Bvlgari. Nous sommes si différents et si beaux à la fois. Certains clients nous choisiront pour une ambiance et un style de design, d'autres clients nous préfèrerons d’autres marques.

L’hôtellerie de luxe est une combinaison d'ingrédients. Le client s'attend à être surpris, mais c'est surtout la touche humaine qui fait la différence dans la vitalité du luxe.

Pourquoi avez-vous rejoint Six Senses ?

Je suis native de Rome, et j'ai considéré qu'il était temps de revenir. J'ai réussi ce retour grâce à de nouveaux projets hôteliers que j'étais censé lancer, puis Six Senses est arrivé en juin 2021, c'est ainsi que tout a commencé.

Je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité, car je connaissais Six Senses à travers sa réputation. J'ai adoré l'idée qu'ils ouvrent leur premier hôtel urbain en Italie, à Rome, dans ma ville natale. J'aime la culture et les piliers de l'entreprise, principalement la durabilité et le bien-être, mais surtout l’hôtellerie émotionnelle. Cela fait partie de mon ADN ; j'ai toujours été ce genre de manager, le genre de leader qui veut être inclusif dans l'équipe et capable de fixer des objectifs et de les atteindre ensemble.

Nous recherchons à la fois à créer des expériences avec les clients, à créer ce moment unique, qui inclut également la reconnexion avec soi-même. Et cela est rendu possible par la philosophie, le fun et l’unicité et cette part d’émotion que toute l'équipe transmet.

Nous sommes tous mus par ce désir de créer un équilibre, en mêlant un service efficace et professionnel et un environnement détendu, qui respecte les codes du luxe. Ce n'est pas trop rigide, nous ne servons pas avec des gants blancs. Nous promettons un luxe décontracté, durable et discret.

Nous tenons à ce que nos clients se sentent d'abord connectés avec eux-mêmes, puis avec le monde et avec les personnes qui les entourent. C'est ce qui définit notre réussite pour moi, et pour de nombreux clients.
Après un an et demi de préparation, nous avons finalement ouvert en mars 2023. C'est très excitant, j'aime la marque, j'aime l'entreprise, les gens avec qui je travaille, et jusqu'à présent, c'est une belle aventure.

Pouvez-vous détailler la promesse du Six Senses Rome à ses clients ?

L'ADN de Six Senses est lié à plusieurs éléments. Une nourriture saine d’abord, nos clients peuvent ainsi goûter des produits de qualité, de saison et très locaux. Notre spa ou nos rituels participent à rendre l’expérience complète et à surprendre. À l'arrivée ou avant le coucher, comme les blackouts ou le programme "Sleep with Six Senses" (dormir avec Six Senses).

Six Senses combine une promesse de cadre luxueux. Ici, nous sommes dans un palais de près de 5.000 m², avec 1.500 m² de travertin au sol. Patricia Urquiola, notre architecte d’intérieur, a réalisé un projet extraordinaire, qui donne l'impression d'être dans un lieu cohérent et harmonieux. Dès l’entrée dans l'immeuble, après avoir été plongés dans l'agitation du centre-ville, les clients ressentent cette atmosphère unique. Le hall d'entrée, le bar et le restaurant sont très apaisants et éclairés par la lumière du jour. C'est une parenthèse, une échappée belle face à la folie de l'extérieur.

Nous disposons d’une cour, et une galerie, un long couloir de fenêtres qui filtrent la lumière naturelle, la laissant pénétrer à travers tout le restaurant, qui est un espace ouvert, où les clients peuvent se rencontrer autour d’un repas, d’un rendez-vous, d’un café. Le palais s'étend sur cinq étages et dispose d'un magnifique rooftop, le Notos. Le spa est un endroit extraordinaire, l'un des points forts de notre hôtel, qui offre, non seulement des traitements et un bien-être extraordinaires, mais également une expérience de bain romain en sous-sol, dans ce qui était la chambre forte, car le bâtiment était autrefois une banque.

Vous êtes de retour à Rome, votre ville natale, pour diriger Six Senses. Pourquoi Rome est-elle si chère à votre cœur ?

J'y suis née et j'y ai grandi jusqu'à l'âge de 22-23 ans, puis je suis partie. Rome est une belle ville du sud et, surtout en vivant dans cette région, on ressent encore plus l'histoire, la force, ce que des siècles d'histoire ont construit.

L'architecture, l'art et tout l’héritage, depuis les Romains jusqu'aux familles nobles qui ont créé la Romance et des palais comme celui-ci, qui ont rehaussé la gloire de la ville, qui est toujours debout.

Même si elle est bondée et sale, avec une circulation intense, elle jouit toujours d’une météo magnifique, de couchers de soleil à couper le souffle, de superbes découvertes que je continue à réaliser, et dont je n’avais pas connaissance. Rome ne se résume pas au Vatican et au Colisée, mais aussi permet la visite de nouvelles expositions comme au Palazzo Colonna ou au Palazzo Pamphilj, la découverte de restaurants, de bars, etc.
Il y a tellement de choses à approfondir, il y a beaucoup de sagesse ici. C'est aussi une ville très verte. On ne s'y attend pas, compte tenu de sa taille et de son âge, mais Rome a beaucoup d’espaces verts.

Selon vous, quels sont les principaux défis et opportunités auxquels est confronté le secteur de l'hôtellerie de luxe à Rome et en Italie ?

À Rome, il y a de plus en plus de marques et de propriétés de luxe, ce qui n'était pas le cas auparavant. La plupart des meilleurs hôtels d'Italie se trouvaient dans d’autres destinations d’Italie. Il y a de grands changements en cours à Rome, avec l’arrivée des grandes marques de luxe. Cela va se traduire, dans les cinq prochaines années, par une amélioration de la qualité de l'offre et de l’hôtellerie dans la ville. Cela, j'en suis convaincue, va également élever la qualité du service, parce que nous allons être si nombreux à demander à l’administration de fournir un service de taxis, de s'assurer que la ville est plus propre, etc.

Tous les grands groupes arrivent dans ces quartiers du centre et de la Via Veneto, et nous parlons de tous les grands noms, Mandarin Oriental, Four Seasons, Rosewood, etc. Ce sera un défi pour chaque hôtel, mais cela tournera les projecteurs vers Rome, ce qui, souhaitons-le, suscitera l'intérêt de nombreuses nationalités qui viendront nous rendre visite. En fin de compte, on se rend à Paris au moins deux fois par an, car Paris est une ville que l'on ne cesse de visiter, tout comme Londres ou New York. Pourquoi Rome ne le serait-elle pas ?

Quelles expériences uniques offrez-vous à vos hôtes ?

Des expériences en lien avec l'art, bien sûr, ainsi que d’autres spécificités romaines. Ce que nous semblons avoir déjà réussi, ici, au Six Senses Rome, c'est d’ouvrir l'hôtel aux clients de l’hôtel ainsi qu’aux visiteurs de l'extérieur. Tous nos services sont accessibles pour les clients locaux et les Romains ou les locaux qui sont parfois des étrangers vivant à Rome y répondent très favorablement. Ils rejoignent nos restaurants, notre bar ou notre spa.

Quant aux expériences spéciales, je pense que l'expérience de « sound healing » (NDLR sonothérapie) est l'une des plus réussies.

Au Six Senses Rome, vous disposez d'un Laboratoire de la Terre au sein de l'hôtel. Cela témoigne de votre engagement en faveur de l'éco-responsabilité. Quelles mesures concrètes avez-vous prises dans ce sens ?

En effet, chaque hôtel Six Senses dispose d'un laboratoire de la Terre, avec son responsable du développement durable. Il participe à la formation des clients et des hôtes (nos salariés). Ce laboratoire est un espace d'ateliers, de partenariats.

Nous organisons une visite guidée sur le thème du développement durable, qui montre à nos clients nos projets engagés, comme le recyclage des déchets. Ils peuvent aussi participer à des activités comme la fabrication de bee-wraps ou de bougies. En parallèle de ces actions ludiques et de sensibilisation, nous avons créé une mascotte que nous vendons et toutes les recettes de ces ventes sont versées dans un fonds.
Nous les emmenons également découvrir la beauté d'une fontaine baptismale qui se trouve sous nos dalles dans le hall d'entrée, et qui date du IVe siècle après Jésus-Christ.

L’éco-responsabilité a à voir avec la nature, mais aussi avec l'art, car il s'agit d'un héritage.
Au total, 0,5 % de nos revenus sont versés dans un fonds dédié, que nous pouvons utiliser chaque année pour des projets de durabilité. Notre premier projet de cette année consistait à remettre en état la façade de l'église voisine de notre entrée.

Les Italiens s'installent dans d'autres pays pour travailler. Comment faites-vous pour retenir les talents ? Avez-vous des exemples ?

J'ai l'impression que c'est le cas dans le monde entier, et pas seulement en Italie. Tout le monde peine à trouver des talents pour travailler dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, à cause de COVID et de la jeune génération.

Travailler dans l'hôtellerie est une passion. C'est une activité ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an, avec des shifts, des horaires de nuit. Cela ne s'arrête jamais. Ce n'est pas si facile, parce que beaucoup disent simplement « Je ne veux pas travailler le week-end, je ne veux pas travailler la nuit, ou je préfère ne pas être en horaires décalés, car je veux travailler de 9 heures à 17 heures, et être en repos le samedi et le dimanche ».

En interne, nous essayons d'offrir des avantages. Cela signifie des éléments palpables, comme le fait d’être nourris midi et/ou soir, la possibilité de bénéficier de remises pour utiliser certains services de l’hôtel, d’accéder à des formations, etc. Nous assurons un développement personnel de nos équipes.

Et surtout, nous tâchons de déployer une atmosphère agréable pour nos salariés. Un responsable est toujours disposé à les écouter, le GM et toute l'équipe de direction qui est prête à créer un environnement de travail positif et agréable. Il ne s'agit pas seulement de travailler intensément, mais d’un ajustement perpétuel pour comprendre quel est le bon profil qui va s'adapter à nous.

Puis, une fois que les recrues sont identifiées, nous essayons de trouver les bons leaders qui seront capables de diriger les gens et de leur faire sentir qu'ils sont importants, qu'il y a de la place pour s'améliorer et se développer dans leur fonction. C'est vraiment ce que nous faisons de mieux.

L’hôtel est encore très jeune, les débuts sont positifs, mais nous verrons dans un an où nous en serons.

Pouvez-vous citer quelques rencontres professionnelles qui vous ont marquée ? Avez-vous des mentors et, si oui, quel rôle ont-ils joué dans votre carrière ?

J'ai trois personnes en tête, la première est un ami de la famille qui travaillait dans le secteur, même si je n'ai jamais travaillé avec lui, il m'a inspiré.

Je citerai Claudio Ceccherelli, PDG de Shedir Hotel Collection, ou Ezio Indiani, directeur général de l'hôtel Principe di Savoia, deux grands directeurs généraux auprès desquels j'ai débuté ou poursuivi ma carrière. Tous deux ont été des mentors et m’ont permis d’avancer en me donnant les moyens d'agir, en m’offrant des opportunités.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaite faire carrière dans l'hôtellerie de luxe ?

Essayez de travailler en plus de vos études. La théorie inculquée dans les écoles est importante, mais tâchez de faire des stages ou de travailler en dehors des cours, dans autant de départements que possible, sans avoir d’a priori.

C'est ainsi que l'on trouve sa propre passion et sa propre nature dans l'hôtellerie. Une fois que vous l'aurez trouvée, vous pourrez la chérir toute votre vie.

Nous avons de nombreux stagiaires qui veulent faire de la réception, mais pourquoi ne pas se tourner vers la finance ? Pourquoi pas la restauration ou le Housekeeping ? Entrez dans le système, car tout est lié, et vous réaliserez peut-être que le métier de gouvernante, avec ses connaissances et ses responsabilités, est celui que vous voulez faire au cours des cinq premières années de votre carrière.

Gardez l’esprit ouvert. L'hôtellerie est une affaire de personnes à tous les niveaux, donc si vous aimez les gens, vous trouverez votre bonheur.

En savoir plus sur...



À propos de l'auteur

Journaliste experte de l’hôtellerie de luxe et inspirée par les femmes et les hommes qui l'incarnent, Vanessa aspire à valoriser et sublimer la beauté et l’élégance des palaces à travers ses écrits. “Dans un palace, la simplicité sert la quête de l’excellence” admire-t-elle.

Lire les articles de cet auteur


Vous aimerez aussi lire...







< Actualité précédente Actualité suivante >


Retrouvez-nous sur Facebook Suivez-nous sur LinkedIn Suivez-nous sur Instragram Suivez-nous sur Youtube Flux RSS des actualités



Questions

Bonjour et bienvenue au Journal des Palaces

Vous êtes en charge des relations presse ?
Cliquez ici

Vous êtes candidat ?
Consultez nos questions réponses ici !

Vous êtes recruteur ?
Consultez nos questions réponses ici !