ÉVÈNEMENT – EHL OPEN INNOVATION SUMMIT, VERS L'HOSPITALITÉ DE DEMAIN (Suisse)
Durant deux jours, l'EHL a transformé son campus en laboratoire d'idées, rassemblant professionnels, étudiants et autres experts autour des grands défis de l'hospitalité. |
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ÉVÈNEMENT – EHL OPEN INNOVATION SUMMIT, VERS L'HOSPITALITÉ DE DEMAIN (Suisse)
Durant deux jours, l'EHL a transformé son campus en laboratoire d'idées, rassemblant professionnels, étudiants et autres experts autour des grands défis de l'hospitalité. |
Catégorie : Europe - Suisse - Économie du secteur
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Interview de Vanessa Guerrier-Buisine le 28-05-2025
 De g. à d. : Dr Carole Ackermann, présidente du conseil d’administration du Groupe EHL, Nicola Gryczka Kirsch, responsable de l’organisation de l’EHL Open Innovation Summit, Markus Venzin, CEO du Groupe EHL, et Andrea Monti, CEO d’EHL Next Crédit photo © Vanessa Guerrier-Buisine Difficile de ne pas être emporté par l'effervescence qui a animé les couloirs de l'EHL Lausanne ces 20 et 21 mai. Le tout premier EHL Hospitality Innovation Summit, orchestré par l'EHL Innovation Hub, a rassemblé plus de 400 acteurs venus questionner, bousculer et réinventer les contours de l'hospitalité, sous toutes ses formes. Étudiants, dirigeants, investisseurs, fondateurs de marques et chercheurs se sont réunis dans une dynamique rare, où les échanges étaient à la fois nourrissants et inspirants.
Le discours d'ouverture de Markus Venzin, CEO du Groupe EHL, a donné le ton :« L'EHL est un leader incontesté dans les compétences liées à l'hospitalité. Il nous fallait créer un évènement qui agrège des esprits brillants autour de cette notion », a-t-il rappelé avec conviction. Parmi ces esprits, Thomas Meier, CEO de Jumeirah, a rapidement illustré comment l'innovation technologique pouvait se mettre au service de l'expérience client sans en trahir l'essence : « Aux Émirats arabes unis, vous pouvez arriver dans nos hôtels, ne pas sortir votre passeport ni votre carte bancaire, et faire votre check-in grâce à la reconnaissance faciale sur iPad... Mais le luxe, c'est le choix. Si vous préférez être accueilli avec un sourire à la réception, cela reste tout à fait possible. » Une démonstration concrète de ce que pourrait devenir un luxe augmenté par l'IA : plus fluide, plus efficace, mais toujours humain.
Trois parcours thématiques ont été déroulés durant cette journée et demie de l'EHL Open Innovation Summit, « future of food », « regenerative economies » et « luxury with impact », permettant aux participants d'explorer les multiples facettes de l'hospitalité de demain, entre exigence opérationnelle, conscience environnementale et innovation sociale.Une remise en question de la logique du design hôtelierC'est sans doute ce que cherchaient aussi les nombreux étudiants de l'EHL, omniprésents durant l'évènement, à l'image de Manon Kampschoer, élève en dernière année, qui a animé une table ronde remarquée sur l'innovation dans l'hôtellerie. Face à elle, des figures comme Michael Levie, cofondateur de CitizenM Hotels, Rainer Stampfer, président des opérations hôtelières mondiales chez Four Seasons Hotels and Resorts, et Vivien Zhou Wei, vice-présidente du groupe Jin Jiang International, ont débattu sans filtre des freins et leviers à une transformation réelle du secteur.
« Il est temps de repenser nos espaces », a souligné Rainer Stampfer, qui appelle à sortir de la logique figée du design hôtelier. « Nous avons longtemps conçu nos chambres autour de la télévision, comme si elle était l'épicentre de l'expérience. Or, de plus en plus de clients ne l'allument même plus. » Pour lui, l'évolution passe par des changements subtils, mais significatifs, à l'image des surfaces de travail modulables en chambre, ou de l'émergence du rôle de concierge mobile, appelé, selon lui, à remplacer la traditionnelle loge fixe dans le lobby.
Mais innover demande de l'investissement, du temps, de l'écoute. Et parfois, du courage pour se défaire de modèles anciens. C'est ce qu'a rappelé Vivien Zhou Wei en évoquant les défis d'un acteur hôtelier gérant plus d'un million de chambres, en majorité dans l'entrée et le milieu de gamme : « L'innovation n'est pas seulement une question de technologie de pointe. Elle doit être pensée à l'échelle, pour qu'un propriétaire de petit hôtel puisse se l'approprier. » Même son de cloche chez Michael Levie, qui a souligné l'importance d'un business model centré sur une cible claire et des choix radicaux, comme l'élimination du back office, aidée par l'utilisation de l'IA, pour que chaque salarié soit au service du client. Une vision partagée par les étudiants de l'EHL.Vers un nouveau récit du luxeParmi les interventions les plus attendues figurait celle de Christian Clerc, président et CEO d‘Auberge Resorts Collection. Connu pour son approche sensible du luxe, il a rappelé que « la véritable surprise, aujourd'hui, réside dans l'inattendu, dans la capacité à désorienter positivement nos clients. »
S'inspirant de l'exemple du resort Blue Sky, dans l'Utah, Christian Clerc a illustré comment un projet hôtelier peut devenir un vecteur d'engagement local. « Là-bas, l'hôtel est presque secondaire. Le cœur battant du lieu, ce sont les chevaux sauvés de l'abattage, la ferme en permaculture, les hommes et les femmes qui y travaillent. » Sa conclusion a résonné comme une invitation : « La simplicité est l'avenir, et l'authenticité est le critère par lequel nous serons tous jugés. »Des parcours thématiques pour ouvrir les horizonsUn des points d'orgue de l'évènement fut ainsi la restitution de la substance récoltée au sein de chacun des trois parcours. Une restitution croisée, qui a permis de faire émerger des lignes de convergence. Xavier Destribats, COO EMEA et Amériques chez Kempinski Hotels, qui suivait de près le parcours « luxury with impact », a salué la diversité des profils et des idées : « Ce qui m'a marqué, c'est que nous étions tous d'accord sur une chose : le luxe, c'est avant tout une émotion. Cela peut être un morceau de pain et un filet d'huile d'olive dégustés dans un cadre simple mais inspirant. » Pour lui, le secteur évolue vers une vision plus expérientielle, moins standardisée.
Une idée partagée dans les autres groupes. Du rôle des restaurants d'entreprise comme levier de transformation alimentaire à la gamification de projets hôteliers régénératifs, les idées se sont multipliées. Loin des discours institutionnels, les ateliers ont permis de construire, réfléchir, mais aussi s'amuser ensemble, dans un esprit de cocréation cher à l'EHL.Un rendez-vous désormais annuel« Nous ne voulons pas attendre mai prochain pour continuer la dynamique », a lancé Andrea Monti, président de EHL Next, avant de mettre un point final au sommet. Cette clôture, portée par Nicola Gryczka Kirsch, Andrea Monti et Markus Venzin, a confirmé une évidence : ce sommet n'est pas un événement isolé, mais le point de départ d'un mouvement. L'EHL Innovation Hub entend fédérer en continu une communauté de pratiques autour de principes régénératifs et d'une hospitalité positive.
« Nous avons tout : les outils, les idées, l'envie. Il nous manque seulement un peu plus de courage collectif », a d'ailleurs lancé Diane Binder lors de la session de restitution, provoquant une salve d'applaudissements.
Le prochain rendez-vous pour l'EHL Open Innovation Summit est donné en mai 2026. En attendant, les graines semées à Lausanne n'attendent qu'à germer.Interview de Nicola Gryczka Kirsch, responsable de l'organisation de l'EHL Open Innovation Summit Journal des Palaces : Pourquoi avez-vous lancé cet événement et comment avez-vous choisi les trois thématiques de cette première édition ?Nicola Gryczka Kirsch : Nous avons constaté qu'on se tournait de plus en plus vers l'EHL pour obtenir des réponses : Quelles sont les tendances ? Où va-t-on ? Comment accompagner la transformation nécessaire, non seulement dans l'hôtellerie, mais aussi dans d'autres secteurs, dans un monde en perpétuel bouleversement ? C'est l'une des raisons majeures qui ont motivé l'organisation de ce rassemblement.
Nous avons voulu un événement tourné vers l'avenir, donc axé sur l'innovation – sous toutes ses formes. Il ne s'agissait pas d'un événement dédié aux start-ups ou aux scale-ups, mais d'une approche plus large de l'innovation.
Plutôt que de choisir des sujets isolés comme l'IA ou la tech, nous avons mené une consultation avec les acteurs de l'industrie pour identifier les grands thèmes qui méritaient d'être explorés en profondeur. C'est ainsi que sont nés les trois axes thématiques. L'IA, la technologie et l'innovation des modèles économiques sont en réalité présentes dans chacun de ces trois parcours.Combien de personnes ont participé au sommet et quel était leur profil ?Nous avons réuni 400 participants. À l'origine, l'objectif pour cette première édition pilote était d'en accueillir 250, dans un format plus réduit – mais l'intérêt a été tel que nous avons décidé d'élargir et d'accepter davantage d'inscriptions.
Le public était composé d'acteurs de l'industrie, d'innovateurs, et de 20 % d'étudiants – issus de l'EHL mais aussi d'autres universités.Quels sont les premiers retours sur l'événement ?Honnêtement, les retours sont excellents. Les participants ont été enthousiasmés par l'énergie présente, la qualité des intervenants et des contenus – notamment lors de la première journée. Ils ont aussi beaucoup apprécié les aspects concrets, comme le fait de travailler ensemble pendant les ateliers.
Les participants ont apprécié l'équilibre entre l'apprentissage, l'inspiration, les échanges intersectoriels et les cas pratiques avec leurs enseignements.Le format mêlant conférences, tables rondes inspirantes et ateliers a créé une dynamique intéressante. Quels sont vos principaux enseignements de ces deux journées ?C'est possible – si l'on se rassemble. Se retrouver en présentiel reste essentiel. Créer des espaces de bien-être, comme la marche régénérative ou les moments musicaux, a permis aux participants de se recentrer. C'est indispensable pour aborder des problématiques complexes.
La première journée était consacrée à l'inspiration – poser le contexte, identifier les tendances. La deuxième journée était dédiée à la cocréation et au pitch de solutions.
Ce qui m'a le plus marquée : les bonnes personnes étaient dans la salle, elles étaient motivées et elles veulent sincèrement œuvrer pour la société et pour la planète.
Mon principal enseignement : l'hospitalité peut être un catalyseur puissant pour impulser un changement à grande échelle. On sous-estime trop souvent cette capacité.Quels sont les prochains projets du Hub liés à l'hospitalité ?Dans chacun des trois axes, une tension est apparue – comme celle entre durabilité et luxe. Où fixer les limites ? Que doit-on transformer, et que faut-il préserver ? La redéfinition du luxe est essentielle.
C'est la même chose pour la régénération : comment équilibrer rentabilité et impact ?
Et dans l'alimentation, c'est la tension entre authenticité et innovation – entre produits simples, locaux, et alternatives issues de la fermentation ou de la culture cellulaire.
Pour la suite, nous allons poursuivre cette dynamique. En mai 2026, nous reviendrons avec une nouvelle édition du Open Innovation Summit. D'ici là, nous continuerons à faire vivre la communauté avec des événements plus modestes, des mises à jour trimestrielles et de nouvelles collaborations.
 De g. à d. : Michael Levie, cofondateur de CitizenM Hotels, Manon Kampschoer, étudiante à l’EHL, Vivien Zhou Wei, vice-présidente du groupe Jin Jiang International, et Rainer Stampfer, président des opérations hôtelières mondiales chez Four Seasons Hotels and Resorts Crédit photo © Vanessa Guerrier-Buisine
 L’équipe d’organisation de l’EHL Open Innovation Summit, réunie autour de Markus Venzin, CEO du Groupe EHL Crédit photo © Vanessa Guerrier-Buisine
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