Le Journal des Palaces

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INTERVIEW - SYLVAIN GREINER : « NOUS AVONS CRÉÉ UNE PLATEFORME DE DISTRIBUTION ET UN PROCESS DE COMMANDE DÉDIÉS AUX PROFESSIONNELS COMPRENANT PLUS DE 1.000 RÉFÉRENCES ITALIENNES » (France)

Le directeur des opérations d’Eataly dévoile au Journal des Palaces les secrets du succès du temple de la gastronomie italienne à Paris, ainsi que ses méthodes de recrutement

INTERVIEW - SYLVAIN GREINER : « NOUS AVONS CRÉÉ UNE PLATEFORME DE DISTRIBUTION ET UN PROCESS DE COMMANDE DÉDIÉS AUX PROFESSIONNELS COMPRENANT PLUS DE 1.000 RÉFÉRENCES ITALIENNES » (France)

Le directeur des opérations d’Eataly dévoile au Journal des Palaces les secrets du succès du temple de la gastronomie italienne à Paris, ainsi que ses méthodes de recrutement

Catégorie : Europe - France - Interviews - Gastronomie - Gastronomie - Interviews
Interview réalisé par Guillaume Chollier le 07-04-2022


À Paris, dans le quartier du Marais, des parfums de coppa, guanciale et ‘Nduja titillent notre odorat ; des musiques de Paolo Conte, Eros Ramazzotti et Lucio Dalla résonnent dans nos oreilles. Aucun doute n’est permis, nous sommes chez Eataly, là où le cœur de la gastronomie italienne bat.

Depuis l'ouverture de sa boutique parisienne en 2019, et dans l’attente de l’ouverture d’autres points de vente sur le territoire français, l’un des axes prioritaires de développement de la marque, Eataly est le point de rendez-vous incontournable pour tous les tifosi de l’art culinaire italien. Ce lieu de 4.000 m2 intègre des espaces de restauration, une école de cuisine, une école de vin et 2.500 m2 d’épicerie fine qui propose fromages, charcuteries, pâtisseries et pasta « come da Mamma » !

Symbole du succès de ce concept, Eataly a ouvert en 15 ans, 42 magasins dans 16 pays à travers le monde : Sao Paulo au Brésil, États-Unis, Émirats, Londres, Japon et bien sûr plusieurs en Italie.

Directeur des opérations d’Eataly Paris, Sylvain Greiner contribue grandement au rayonnement de la marque dans la capitale française et sa périphérie, notamment en permettant aux professionnels de pouvoir s’y approvisionner. Détenteur d’un BTS hôtellerie-restauration et d’un DESS en hôtellerie-tourisme, il a collaboré au sein de maisons parisiennes prestigieuses telles que Hyatt, le Ritz, le Meurice - où il a œuvré au côté des chefs étoilés Yannick Alleno et Alain Ducasse -, le Buddha Bar ou le Royal-Monceau

Si, comme l'ensemble du secteur de l'hôtellerie-restauration, Eataly rencontre d'importants problèmes de recrutement, il mise sur la force des qualités humaines de chacun des salariés du site. Ainsi, l'établissement peut compter sur des équipes issues de la communauté italienne de la région parisienne qui voient la vie en vert-blanc-rouge, les couleurs du drapeau italien, et qui portent fièrement l'institution vers les sommets. Pour le plus grand bonheur de Sylvain Greiner.

Pour le Journal des Palaces, cet amoureux de l’Italie explique les recettes du succès de cette véritable ambassade transalpine au cœur de Paris. Avanti !

Le Journal des Palaces : Comment définiriez-vous votre rôle au sein du complexe parisien ?
Sylvain Greiner : Je n’étais pas programmé pour venir ici. Ce qui m’a plu, c’est l’Italien, car je suis proche de l’Italie, où j’ai une maison dans le sud, je me suis marié en Toscane, ma femme a des origines italiennes… J’ai également été séduit par la force du concept. L’idée de faire rayonner la gastronomie d’un pays à travers trois piliers que sont les restaurants, le marché et l’école de cuisine est géniale. Il n’y existe pas d’équivalent, non seulement en France, mais aussi dans aucune autre culture. Quand on vient d’un parcours hôtelier assez classique comme le mien, et que l’on rencontre des gens comme Nicolas et Philippe Houzé (ndlr : dirigeants du groupe Galeries Lafayette), qui vous disent qu’ils ont besoin de quelqu’un sur qui s’appuyer pour un tel projet, il est difficile de décliner la proposition

Qu’avez-vous apporté à ce concept ?
Le concept est bien huilé d’un point de vue sélection de produits et il est bien implanté. Après, dans chaque Eataly, il y a un travail opérationnel à faire. Le magasin a ouvert en avril 2019 et a rapidement été confronté à des difficultés : les grèves, les gilets jaunes, le Covid… De plus, l’équipe d’ouverture a rapidement quitté l’établissement. Donc il a fallu reprendre quelques problèmes de jeunesse du bâtiment, des problèmes opérationnels. La seconde mission, du fait que je viens d’un univers très hôtelier, consistait à renforcer le contact client, l’approche client et l’accueil client en magasin pour redonner cette chaleur italienne qui a été négligée, car l’ouverture avait été énorme en termes de flux et les équipes étaient usées.

Existe-t-il encore des axes d’amélioration ?
Dans le magasin parisien, nous avons beaucoup adapté notre parcours client et notre offre. On a par exemple énormément développé notre city commerce qui était précédemment géré par les équipes d’Eataly distribution directement en Italie. Depuis un peu plus d’un an, nous avons totalement repris la main sur ce site. Ainsi la relation est nettement meilleure. Tout d’abord parce que les clients qui commandaient sur eataly.net pensaient commander chez nous alors qu’en réalité, ils commandaient en Italie. Nous gérions donc la relation client alors que nous ne gérions pas la vente. Ensuite, cela nous a permis d’élargir notre catalogue : nous avons aujourd’hui plus de 1.000 références sur internet. On y vend désormais des produits frais, des vins et des alcools, ce que l’on ne faisait pas auparavant car on ne pouvait pas le faire depuis l’Italie.

Nous avons développé la restauration à emporter, la restauration à domicile avec Deliveroo… Quant à la partie école, on s’est aperçu que nous avions une vraie force : on propose des plats qui sont faciles à comprendre et à reproduire chez soi. Nous avons créé une école du vin afin d’apprendre à appréhender les vins italiens et se repérer dans ces cépages et ces terroirs qui sont très différents des nôtres.

Nous avons, je pense, un challenge à relever sur la livraison en ultra court. Les clients sont habitués à se faire livrer de plus en plus vite et en deux clics, grâce à la digitalisation. Nous avons des partenaires qui nous permettent de livrer en trois heures sur le circuit parisien. Nous collaborons aussi avec Gorillaz pour livrer certains de nos produits en délai ultra-court. Le challenge sera d’être présent lorsque ce marché va s’ouvrir aux autres grandes villes de France.

Pourquoi le groupe a-t-il décidé de s’ouvrir aux professionnels de l’hôtellerie-restauration ?
C’est quelque chose dont on parle depuis peu, mais que nous faisons depuis quelque temps déjà. Dès l’ouverture, des restaurateurs venaient s’approvisionner chez nous car nous avons une qualité de produits qui est haute, une sélection large et un positionnement prix qui est intéressant. Nous avons été très sollicités par les professionnels de la restauration pour le pain car nous travaillons avec des farines bio qui viennent d’Italie et une équipe de boulangers qui travaille à l’ancienne, avec un four à bois.

Rapidement, face au succès rencontré, nous avons créé une plateforme de distribution et un process de commande dédiés aux professionnels comprenant plus de 1.000 références. L’objectif est que ces professionnels de l’hôtellerie-restauration ne soient pas dans le flux de clients habituels, qu’ils gagnent en efficacité avec un interlocuteur unique et que l’on puisse créer avec eux une gamme de produits adaptée à leurs besoins, notamment en termes de conditionnements. Ainsi, au lieu d’être en conditionnement de 300 grammes, on propose la sauce tomate en conditionnements de 1 kilo ou 2,5 kilos. Idem pour la burrata ou les pâtes. Après avoir développé ce catalogue spécifique, nous avons lancé cette activité, avec succès.

Aviez-vous identifié une véritable carence en matière d’offre B to B concernant les produits italiens ?
En réalité, ce sont les restaurateurs qui nous ont conduits à réfléchir à ce système dédié aux professionnels, qui n’existe dans aucun Eataly à travers le monde et qui a un réel potentiel. En cela, comme avec le city commerce ou la scuola del vino, nous sommes précurseurs. Nous avons la chance d’être à Paris, d’avoir le groupe Galeries Lafayette qui nous donne une assise et qui nous permet de dédier une personne à temps plein sur le BtoB.

La diversité de notre offre fait que nous avons une typologie de clients large. En boulangerie par exemple, nous réalisons des pains à burger, qui peuvent s’adresser tant aux professionnels de la street-food, qu’aux chefs de palaces, ou aux chefs plus médiatiques. Cette clientèle large est liée à l’engouement actuel pour la gastronomie italienne de manière générale. Les produits italiens plaisent beaucoup, donc tout le monde met une pizza à sa carte et le retravaille à sa sauce ou un plat de pâtes qui se démarque.

Comment cette nouvelle a-t-elle été accueillie dans le secteur ?
Les professionnels sont ravis car ils retrouvent un produit de qualité dans un conditionnement qui correspond à leur usage. En observant le marché, nous avons constaté qu’il y avait déjà beaucoup de distributeurs de produits italiens. Maintenant, nous ne nous adressons pas à tout le monde, nous n'avons pas une stratégie de volume, nous n’avons pas pour ambition de devenir le Métro italien. Notre objectif est de sélectionner nos clients car on ne peut pas prendre tous les marchés : nous n’en avons pas la capacité et ce n’est pas ce vers quoi nous voulons évoluer. Nous pouvons créer pour nos partenaires des choses spécifiques : un type de pâtes particulier pour une occasion particulière, par exemple, nous savons le faire, puisque nous disposons d’ateliers de transformation.

Quel rapport entretenez-vous personnellement avec le secteur de l’hôtellerie de luxe et la gastronomie ?
Les rapports sont excellents car la qualité des produits que nous proposons est réelle. Ça joue grandement en notre faveur. Tous les partenaires qui ont pu tester la qualité du produit effectuent de nouvelles commandes. Cela signifie qu’ils s’y retrouvent tant sur la qualité des produits que sur le conditionnement que sur notre disponibilité à leur égard. Je suis donc assez confiant sur notre capacité à établir avec les restaurateurs, les grands hôtels et les palaces des liens forts et durables.

Eataly possède-t-elle parmi ses nombreuses références des produits qui pourraient correspondre aux besoins de ce secteur de la restauration gastronomique ?
Quand nous avons commencé notre activité, nous avons pris la décision de dédier un catalogue pour les professionnels. Nous avons alors sélectionné entre 150 et 200 produits. Très vite, on s’est rendu compte que chaque restaurateur ou chaque hôtelier avait des besoins très spécifiques, même s’il y a une base commune de besoins. Par conséquent, dire que nous allons consacrer seulement une petite part de notre catalogue au BtoB n’a pas réellement de sens, car certains souhaitent des petits conditionnements de sauce tomate car c’est leur besoin, d’autres au contraire, désirent le même produit mais en gros conditionnement. Il n’y a donc pas de vérité absolue.

Comment se définit ce secteur de la restauration gastronomique, selon vous ?
Nous nous adressons autant à des restaurateurs traditionnels qu’à des hôtels de luxe à qui nous fournissons des produits pour leur room service, leur brunch, leur bar ou leur restaurant. Ces personnes ont en commun qu'elles recherchent des produits de qualité, dont nous pouvons assurer la provenance, la qualité de production, la qualité des ingrédients. Ce sont des gens qui, au-delà de regarder un prix ou un produit sur un catalogue, vont vouloir le tester et l’éprouver. Ce sont des gens avec qui nous allons pouvoir échanger, leur donner des idées, même sur le développement de leurs offres.

Pour étoffer ses équipes et répondre à la demande de l’hôtellerie de luxe et au secteur gastronomique, quelles sont les méthodes de recrutement d’Eataly ?
Nous n’avons pas recruté de personnel spécialisé dans le luxe, je suis le seul référent en la matière. Dans le luxe, il faut aussi dissocier les clients du luxe, les établissements de luxe et les personnes qui travaillent dans ces établissements. Nous nous adressons à ces dernières : des chefs de cuisine qui recherchent des produits de qualité, mais qui regardent également le prix, la disponibilité, le service après-vente… Il faut donc un vrai rapport de confiance.

Rencontrez-vous des difficultés de recrutement ?
Nous avons d’énormes difficultés de recrutement, comme l’ensemble du secteur. Depuis plus de deux ans, l’activité n’est pas continue en raison des diverses fermetures qui ont été imposées. Difficulté supplémentaire, plusieurs concepts italiens ont ouvert à Paris ces deux dernières années et lorsque vous êtes face à un palace de prestige qui ouvre avenue George V, avec un chef italien étoilé à la tête du restaurant ou un grand magasin qui compte dans ses murs deux concepts italiens, cela nous a forcément absorbé quelques ressources. C’est aussi une fierté d’avoir formé des gens qui évoluent aujourd’hui dans ce type d’établissements. Toutefois, nous avons la chance de nous appeler Eataly et donc, de recruter beaucoup de personnel italien qui vient d’Italie pour nous. Mais en salle, comme en cuisine, c’est extrêmement tendu.

Quel est votre de style de management ?
Je travaille beaucoup à la confiance. Dans mes recrutements, je regarde de moins en moins les compétences techniques des gens, mais les qualités humaines, car il y a une pénurie de l’apprentissage de ces métiers-là. Il n’y a plus beaucoup de formation dans l’hôtellerie-restauration qui aboutissent à des métiers de services. Je recherche du personnel qui a envie de faire plaisir, de se faire plaisir en venant travailler, qui a envie d’évoluer dans le métier en passant par les différentes étapes. En termes de management, je pense être, du fait de ma formation et mon historique professionnel, exigeant. Pour moi, la qualité de l’assiette et de l’expérience client sont clés. J’essaie de faire en sorte d’impliquer toutes les personnes qui sont autour de moi, de la direction aux équipes. J’ai la chance d’avoir un comité de direction hyper impliqué et des équipes jeunes et dynamiques qui ont envie de faire évoluer Eataly et de le développer.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui désire rejoindre l’hôtellerie de luxe ou la restauration gastronomique ?
Il ne doit pas oublier que la vie est longue et que brûler les étapes peut parfois être compliqué. Manager une équipe ne s’apprend pas forcément dans les cahiers. Tant que l’on n’est pas confronté à certaines difficultés, le bon comportement n’apparaît pas forcément naturellement. L’expérience terrain est selon moi nécessaire et profitable. Un jeune doit prendre le temps d’apprendre tout en conservant à l’esprit ses objectifs de carrière.

A propos de l'auteur

Journaliste depuis 20 ans, Guillaume est un inconditionnel des lieux exclusifs où se mêlent confort, qualité de service et gastronomie. Le tout, teinté d’une simplicité et de sourire qui sont l’apanage du luxe ultime.


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