Le Journal des Palaces

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INTERVIEW – MARIELLE DROISNEAU, PROPRIÉTAIRE DU RESTAURANT VILLA MADIE 3*, À CASSIS : « CE QUI EST IMPORTANT, C'EST D'ÊTRE EN ACCORD AVEC LE LIEU » (France)

« En salle, il y a beaucoup de rigueur, et le contact avec le client, l'esprit d'équipe, le fait de partager un moment de vie avec les gens que l'on reçoit, m’ont séduite »

INTERVIEW – MARIELLE DROISNEAU, PROPRIÉTAIRE DU RESTAURANT VILLA MADIE 3*, À CASSIS : « CE QUI EST IMPORTANT, C'EST D'ÊTRE EN ACCORD AVEC LE LIEU » (France)

« En salle, il y a beaucoup de rigueur, et le contact avec le client, l'esprit d'équipe, le fait de partager un moment de vie avec les gens que l'on reçoit, m’ont séduite »

Catégorie : Europe - France - Interviews - Gastronomie - Gastronomie - Interviews
Interview réalisé par Vanessa Guerrier-Buisine le 02-06-2023


À la Villa Madie, à Cassis, l’expérience conjugue luxe, simplicité et humilité. Des valeurs incarnées et impulsées par Marielle Droisneau, la maîtresse des lieux, qui œuvre au quotidien pour délivrer un service mêlant exigence, excellence et naturel.

Ce restaurant trois étoiles au Guide Michelin est le fruit d’une aventure entreprise en couple en 2013. Un duo composé de Dimitri, son époux, à la tête des cuisines, et de Marielle, en salle, qui a su créer un lieu hors du temps, réconfortant et dépaysant.

Ici, les convives sont accueillis avec chaleur par cette professionnelle aguerrie et ses équipes. Les yeux plongés vers la mer Méditerranée ou subjugués par leurs assiettes, les hôtes se laissent porter par la virevoltante entrepreneuse. Une énergie qu’elle dédie au quotidien à son restaurant, à ses équipes, et à ses clients.

Nous avons pu rencontrer cette femme généreuse qui œuvre au service des autres pour lever le voile sur son parcours et sa vision.

Journal des Palaces : Pourriez-vous évoquer les grandes lignes de votre parcours ?

Marielle Droisneau : J'ai fait l'école hôtelière Sacré-Cœur, à Saint-Chély-d'Apcher, en Lozère, où j'ai obtenu un bac et un BTS.J’ai débuté par deux stages chez la famille Bras, à Laguiole (au restaurant Bras 2* ndlr), un passage presque obligé pour moi qui suis aveyronnaise. J’y ai découvert l'esprit Bras, avec cette ambiance familiale, autour de Michel et Ginette Bras, puis de Sébastien et Véronique. J'ai alors souhaité découvrir une autre maison, Les Prés d’Eugénie 3* de Michel Guérard, un établissement familial avec l'histoire d'un groupe. Une autre expérience, un service plus structuré, plus conventionnel, plus traditionnel, avec le service sous cloche, le découpage, un art de la table encore différent.

Après un an aux Prés d’Eugénie, j’ai fait un passage chez Marc Veyrat à Annecy, puis à Megève. J'ai alors tenté de travailler à Paris, mais à l'époque, c'était compliqué, les femmes étaient très peu représentées en salle, certains établissements ne prenaient absolument pas de femmes. L'univers en salle était très masculin, surtout à Paris. Par ailleurs, il me manquait la maîtrise de l’anglais. Je suis donc partie en Angleterre, puis en Espagne auprès du chef 3* Martín Berasategui, car on entendait beaucoup parler de lui. C'est un chef qui m'intéressait. Là encore, c'est l'histoire d'un couple.

Après toutes ces expériences, j’ai souhaité poser mes valises. Le sud de la France m’attirait, ce fut donc la Réserve de Beaulieu. J’y ai passé huit ans, j’y ai rencontré Dimitri. J’y ai aussi découvert l'univers du palace, mais du palace dans le service, avec un service très cadré, organisé, mais également, une proximité avec le client.

Comment avez-vous ouvert la Villa Madie ?

En 2006, nous avons fait un petit intermède à Saint-Barth. À notre retour en France, nous avions ce désir d'entreprendre. Un jour, Arnaud Donckele(chef 3* de l'hôtel Cheval Blanc à Saint-Tropez, NDLR) nous a conseillé d’aller visiter cette maison à Cassis. En arrivant à la Villa Madie, nous nous sommes regardés avec Dimitri, et ça a été une évidence, c'était ici. Nous avons eu le coup de cœur pour la maison, ainsi que pour ce qui allait être notre restaurant, notre lieu de vie, notre univers.

Nous avions envie d'être les capitaines, de prendre nos propres décisions.

Nous avions tous deux des parcours différents, mais complémentaires. Nous avons donc fait évoluer cette maison, nous lui avons donné une âme. La troisième étoile est venue récompenser tout ce travail, mais nous sommes dans une perpétuelle remise en question. En outre, notre équipe nous suit et se greffe à cette dynamique.

Vous avez principalement travaillé dans des maisons conduites par des couples. Qu’est-ce que cela change ?

J'aime ces maisons où il y a une histoire derrière, avec des personnes complémentaires. J'ai connu des maisons où c'est toujours la guerre entre la cuisine et le service. Alors que, lorsque ces deux univers sont en symbiose, ça marche, car l'un est complémentaire à l'autre.

Dimitri dit souvent, « je peux faire la meilleure cuisine du monde, si personne ne sait l'expliquer et la servir correctement, et faire passer ce message, ça ne passera pas ».

En regardant en arrière, c’est vrai que ces histoires ont dû m’inspirer inconsciemment. C'est important, car l'expérience est un ensemble.

Comment est née votre passion pour la profession ?

Lorsque j’ai fait l’école hôtelière, j’aimais plutôt la pâtisserie, pour son côté mathématique, hyper précis. C’est un stage en salle qui s'est très bien passé qui m’a orienté vers la salle.

En salle, il y a beaucoup de rigueur, et le contact avec le client, l'esprit d'équipe, le fait de partager un moment de vie avec les gens que l'on reçoit, m’ont séduite. Nous participons à créer un moment de bonheur.

À l'heure actuelle, c'est encore plus présent, lorsque les personnes viennent au restaurant, c'est une parenthèse, et nous participons à cette parenthèse.

C’est un métier que l'on fait par passion, parce que l'on aime ça, que l'on se fait plaisir et que l'on veut aussi donner du plaisir.

Comment avez-vous atteint l’excellence dans votre métier ?

J'ai connu différents types de services. J’ai autant adoré faire des services protocolaires, avec les cloches, les découpes du canard, etc. Mais lorsque nous sommes arrivés à la Villa, nous avons compris que ce qui est important, c'est d'être en harmonie avec le lieu.

Ici, nous ne pouvons pas faire un service cloché, ça ne marche pas, cela ne correspond pas au lieu.
La cuisine a été allégée, avec moins de beurre et de crème, et le service a dû aussi s'alléger avec le temps. Nous ne pouvons pas avoir un service aussi lourd qu'avant. Cela n’enlève pas le professionnalisme, avec un respect des règles.

Nous sommes donc en harmonie avec le lieu, avec la cuisine de Dimitri et c'est ce que viennent chercher nos clients ; ce côté un peu décontracté.

Lorsque nous étions jeunes, avec Dimitri, nous sommes allés dîner dans un trois étoiles. Il a dû porter une cravate, par obligation, alors qu’il était déjà en costume. Cela l’a mis mal à l'aise. Il m’a dit alors que lorsque nous aurions notre restaurant, nous n’imposerions pas ça aux gens, car il faut être à l'aise pour manger.

Alors, bien sûr, nous ne pouvons pas passer d'un extrême à l'autre, mais tout s'est un peu allégé. Nous n’imposons pas la cravate, ni la veste, mais les clients ne peuvent pas non plus venir en short.

Ce qui est certain, c’est que pour atteindre l’excellence, il faut avoir envie de faire plaisir.

Vous vous définissez comme une « aubergiste », mais comment définiriez-vous le service de luxe ?

Le luxe, c’est lorsque l’on arrive à donner aux gens des moments précieux de vie. Et cela n'a pas forcément de rapport avec l'argent. Bien sûr, il faut tout un ensemble et tout un protocole, toute une organisation, mais cela va au-delà des strass et des paillettes.

C'est un moment de vie que l’on arrive à bloquer, ce sont des parenthèses qui rendent les souvenirs inoubliables. Ce sont des moments uniques que l'on arrive à donner aux gens, avec ce qu'ils souhaitent à ce moment-là.

Selon vous, quels sont les principaux défis et opportunités auxquels fait face le secteur de la haute gastronomie ?

Le défi s’est inversé dans le temps. Avant, on cherchait à attirer et à fidéliser nos clients, aujourd’hui, on cherche comment faire pour avoir assez de personnel pour satisfaire nos clients.

C'est ça le défi, mettre en place une organisation dans son restaurant, pour pouvoir attirer les salariés, leur faire comprendre l'esprit de la maison, et, une fois qu'ils ont compris tout cela, les fidéliser, etc.

Au-delà de l’assiette, quelles sont vos clefs pour fidéliser la clientèle de votre établissement ?

Nous avons beaucoup d'habitués à la Villa Madie. Cela s’est fait naturellement. Les gens qui viennent ici accrochent avec ce que l’on propose, avec notre philosophie, avec la cuisine.

Nous fonctionnons avec deux menus qui changent quasiment en continu. Tout ne change pas, mais ils évoluent au fur et à mesure de la saison. Nous créons des menus différents pour nos habitués, nous adaptons les choses, nous apportons de petites attentions.

Et, il y a aussi ce lien, un peu d'amitié, qui se crée. On connaît la famille, leurs habitudes, on sait ce qui va, ce qui ne va pas, pourquoi ils viennent. C’est valable pour nous, et aussi pour notre équipe. Certains vont faire du tennis avec des clients.

Pourriez-vous citer quelques rencontres professionnelles qui ont marqué votre carrière ?

Je pourrais citer tous les grands chefs auprès de qui j’ai travaillé, et forcément Michel Bras.
Je citerai aussi Monsieur Roger Heyd, qui était le directeur du restaurant à la Réserve. Il m’a beaucoup appris, et m’a marquée.

Un client vous aurait-il marquée également ?

Nous tissons des liens avec de nombreux clients. Mais l’un d’eux nous a suivis depuis la Réserve. Il a même participé un peu au départ à certaines décisions que nous avons dû prendre. Maintenant, il vient manger à la maison.

C'est un peu le défi, c'est aussi ce que j'adore. Lorsque nous avons repris la maison, des clients, qui étaient là auparavant, nous attendaient au tournant. Ils sont arrivés avec un regard très dur et finalement, nous avons réussi, avec le service et la cuisine, à les conquérir.

Quelle est votre période de l’année favorite dans votre restaurant ? Pour quelles raisons ?

J’aime l’après-saison d’été, lorsque l’on revient à un peu plus de calme, que l’on profite encore de la terrasse sur laquelle il fait un peu moins chaud. C'est très agréable, la luminosité dans le restaurant est différente. Les choses sont posées, nous avons passé l'été, donc chacun a trouvé sa place.

Et puis, c'est une autre atmosphère, une autre ambiance. Lorsqu’ils sont sur la terrasse, les clients sont plus détendus, grâce à la vue notamment.

L’hiver, les clients sont à l’intérieur, et lorsqu’il fait nuit, ils sont plus focus sur leur assiette. Les saisons offrent des ambiances et des expériences différentes.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui souhaite évoluer dans le secteur du haute gastronomie?

Au-delà du travail, regardez énormément. Regardez ce qui se passe. C'est un conseil que m'avait donné Monsieur Roger Heyd à la Réserve. Il m’avait dit : « en regardant, tu verras, tu vas apprendre beaucoup sur ce qui se passe, sur les gens ». Le simple fait de regarder permet d’apprendre énormément, sur comment sont les clients, quelles réactions ils ont, s'ils se sentent bien ou non, si ça leur plaît ou non.

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A propos de l'auteur

Journaliste experte de l’hôtellerie de luxe et inspirée par les femmes et les hommes qui l'incarnent, Vanessa aspire à valoriser et sublimer la beauté et l’élégance des palaces à travers ses écrits. “Dans un palace, la simplicité sert la quête de l’excellence” admire-t-elle.


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