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INTERVIEW - ANGELO MUSA, CONSULTANT EN PÂTISSERIE : « LA PÂTISSERIE, C'EST L'INFINI »

Récemment couronné du Prix "Best Pâtisserie Opening Award of 2024" par La Liste 1000, le Chef est l'esprit créatif gourmand de deux des établissements de la Dorchester Collection.

INTERVIEW - ANGELO MUSA, CONSULTANT EN PÂTISSERIE : « LA PÂTISSERIE, C'EST L'INFINI »

Récemment couronné du Prix "Best Pâtisserie Opening Award of 2024" par La Liste 1000, le Chef est l'esprit créatif gourmand de deux des établissements de la Dorchester Collection.

Catégorie : Monde - Interviews et portraits - Gastronomie - Gastronomie - Interviews - Les Leaders du secteur
Interview de Sonia Taourghi le 19-07-2024


Angelo Musa, Chef Pâtissier, dans la Cour Jardin au Plaza Athénée, Paris

Angelo Musa, Chef Pâtissier, dans la Cour Jardin au Plaza Athénée, Paris
Crédit photo © Sonia Taourghi / Journal des Palaces

Dans la Galerie du Plaza Athénée, tout est déjà prêt : les fauteuils placés, la vaisselle installée, et une magnifique corbeille de viennoiseries n'attend plus que nous. On reconnait très vite les créations d'Angelo Musa. Le mariage des couleurs et des saveurs qu'il affectionne régale également les convives du Lana à Dubaï lors du petit-déjeuner, ou pendant l'Afternoon Tea à The Gallery. Rapidement, c'est un Angelo Musa souriant et en tenu de travail qui se présente. Il faut être vif ! Le chef pâtissier partage son temps entre Nancy, où il réside, le Plaza Athénée à Paris, et The Lana à Dubaï, où il retourne tous les deux mois. C'est ce dernier projet, le plus récent, qui a solidifié un peu plus sa relation avec la Dorchester Collection, avec laquelle il collabore depuis 2016.

Le Bonbon Café, le salon de thé "so French" du Lana, a permis au chef de vraiment découvrir Dubaï, sa population cosmopolite et son dynamisme. Aujourd'hui, sa vie et sa carrière contrastent avec ce que laissait présager sa formation. « Quand j'ai commencé, il n'y avait pas de communication. Je ne savais même pas qu'on pouvait apprendre la pâtisserie. J'ai fait l'école hôtelière pour apprendre la cuisine. Par la suite, c'est grâce à une rencontre incroyable avec M. Claude Bourguignon que je me suis dirigé à 200 % sur la pâtisserie. Cet homme a changé le cours de mon chemin. »

Et quel chemin depuis. De concours en concours, le pâtissier monte en puissance, en confiance, et se fait remarquer. « D'abord, on se dit, waouh, j'ai fait tout ça !Et ensuite, on voit les opportunités se créer. Au moment de la Coupe du Monde, j'ai commencé à avoir pas mal de sollicitations et à voyager dans le monde, surtout en Asie. Ensuite, le plus grand tremplin, ça sera le Meilleur Ouvrier de France en 2007. De là, je vais créer ma société de conseil, en 2008. »

À ce moment-là, le pâtissier devenu entrepreneur ne sait pas qu'une dizaine d'années plus tard, en 2020, il sera sacré Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres. Aujourd'hui, Angelo Musa a également lancé ses confitures éponymes. D'une voix douce, il revient sur les rencontres qui ont marqué son parcours, son métier, méconnu, et ce qu'il apprend de la jeune génération.

Journal des Palaces : Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce métier, qu'est-ce qu'un consultanten pâtisserie ?

Angelo Musa : En fait, c'est très vaste. D'un côté, ça peut être du conseil pour des entreprises qui exportent leurs produits à l'étranger, comme les Marrons Imbert, la Chocolaterie de l'Opéra, les purées de fruits, etc. Et ils vous envoient à l'étranger avec pour mission de réaliser quelques recettes avec leurs produits, et faire des démos.

De l'autre, c'est du conseil en entreprise, où on s'adapte à l'entreprise pour créer de nouveaux produits, en guidant les équipes, en améliorant ce qui peut l'être : l'organisation, l'hygiène, la logistique, et tout ce qui participe au bon fonctionnement d'une cuisine.

Une fois, je suis arrivé chez un boulanger pâtissier, et au bout de 10 minutes, j'ai dit, « on ne va pas faire de gâteau, on va d'abord nettoyer le labo. » Et pendant deux jours, on a tout nettoyé, rangé et mis en place, tout rangé. J'aime raconter cette anecdote parce que c'était tellement incroyable. Mais en même temps, j'ai pris autant de plaisir à tout ranger, et je suis reparti satisfait de mon travail. Quand je suis retourné dans cette entreprise, là, on a commencé à faire des gâteaux.

C'est aussi ça notre devoir de conseiller.

Comment vous êtes-vous retrouvé au Plaza Athénée ?

Le Plaza, c'est une belle rencontre. Je venais voir le chef, Nicolas Berger, à sa chocolaterie sans savoir que j'allais rencontrer M. Ducasse. On a discuté pendant un quart d'heure, et je suis parti au Japon pour un voyage de six semaines.
Au moment où j'arrive à l'hôtel, il m'appelle pour discuter. J'étais à 10 000 kilomètres, c'était un peu particulier… Sauf que lui aussi voyageait au Japon ! Nous nous sommes revus, et il m'a fait des propositions que je n'ai pas acceptées car je traversais une phase personnelle difficile qui m'empêchait un peu de me projeter, mais nous sommes restés en contact. À la rentrée suivante, il m'a fait une nouvelle proposition que j'ai fini par accepter.

À l'époque, Alexandre Dufeu était le chef pâtissier, et qui m'a accueilli comme un prince ; je me suis senti bien tout de suite. Je suis arrivé confiant, sans me mettre la pression, en me disant, on verra bien. C'était en 2016. Depuis, Elisabeth Hot a pris les rênes de l'hôtel et fait un travail incroyable, qui facilite beaucoup les choses.

Comment a débuté l'aventure Lana et le concept du Bonbon Café ?

C'est M. Delahaye qui me parle du projet que M. Pourry, à l'époque le coordinateur pour la Dorchester Collection voulait me présenter.

La rencontre s'est passé à Londres au Harrods. C'était presque surréaliste. Ça a été une opportunité incroyable et exceptionnelle de pour vivre le projet depuis sa conception jusqu'à l'ouverture, les débuts, et puis de maintenant au quotidien. C'est l'équipe du Dorchester qui a eu l'idée de vraiment faire de la pâtisserie française, et a choisi le nom.

L'univers qu'on a réussi à créer ensemble va au-delà de ce que j'aurais pu imaginer. Ce n'est pas toujours facile de se projeter à partir d'une idée, d'un espace vide… Et une fois que tout est finalisé… C'est superbe. L'équipe est top, super motivée, et puis les retours sur les produits sont très positifs. C'est une magnifique aventure.

L'idée de Bonbon Café, c'était de faire ma pâtisserie, mais j'écoute aussi le chef, Ankit Bhardwaj. C'est un chef très intéressant qui a la culture de Dubaï, a beaucoup voyagé, fait des concours… Il était l'homme de la situation. Aujourd'hui, je vais à Dubaï tous les deux mois à peu près. Autour d'Ankit, nous avons des sous-chefs et une équipe très talentueux, donc je suis en confiance.

Qu'est-ce que cela représente de collaborer avec un groupe comme Dorchester Collection ?

On reste dans le luxe quel que soit l'établissement. C'est amusant de se retrouver un coup à Paris et puis quelques semaines après à Dubaï ; les deux hôtels sont aussi luxueux, les gens sont aussi accueillants, donc il y a cette bienveillance qui caractérise le groupe.

Quand je suis revenu pour l'ouverture du Lana, par exemple, j'ai été complètement bluffé. Bonbon Café n'ouvrait qu'un mois plus tard, mais j'ai quand même eu un accueil extraordinaire, en Rolls, et toute l'équipe de pâtisserie et une partie des autres équipes m'attendaient dehors. J'étais ému, je ne m'attendais vraiment pas à ça.

À l'ouverture de Bonbon, j'avais encore une fois envie de pleurer. Cette fois, c'était parce que j'avais vu toutes les équipes et ouvriers travailler tous les jours, et de quand je suis revenu, tout était fini. Ils n'ont pas fait les choses à moitié, c'était tellement émouvant.

J'ai eu la chance aussi de visiter les autres hôtels du groupe, et on ressent cette même inspiration, cette qualité, cette attention aux détails.

Comment vous vient l'inspiration ?

La pâtisserie, c'est l'infini. C'est à chaque fois, même pour moi, plaisant et surprenant tout ce qu'on peut imaginer... Au départ, on se dit pour qui je vais faire ça ? Quel est le client ? Quelle est la cible ? Et puis la saison aussi est très importante.

Au début, l'inspiration a un peu de mal à venir : on essaye des choses, et puis il y a d'autres choses qui arrivent, qui se greffent et qui permettent d'avancer sur le projet. Ça germe, c'est abstrait, c'est compliqué. Et puis,il y a un moment où ça va juste se déclencher, et de là tout part.

En ce moment, je retravaille sur la bûche du Plaza Athénée. J'ai fait quelques essais la semaine dernière, ça ne me plaisait pas, donc je suis reparti presque sur autre chose, en gardant quelques inspirations de goût. C'est amusant, c'est un terrain de jeu. Cette notion de jouer et de plaisir est primordiale.

Quand je suis arrivé au Plaza, j'ai découvert un autre univers. J'ai collaboré sur tous les produits avec l'équipe : le chef, les sous-chefs, quelques jeunes. Des jeunes qui m'ont donné des idées incroyables d'ailleurs. Ça les motive, ça les sort de leur routine, et puis, c'est important de les écouter, et de faire valoir leur créativité. À cinq cerveaux, on va quand même plus loin, plus vite !

C'est comme ça que sont arrivées les confitures Angelo Musa, sur une inspiration ?

Quand j'aime quelque chose, je vais plus loin, je pousse les choses, et je me passionne.
Au départ, j'ai participé, par hasard, à un cours de Jean-Paul Gaucher, que je connaissais bien et qui est un dieu de la confiture. Soudain, j'ai eu un vrai coup de foudre pour le produit ! Donc j'ai tout acheté à la maison ; le poêlon, le trépied, et puis j'ai commencé à faire des confitures, en petits pots, et à les offrir. Au bout d'un an, j'en avais offert 700 !

Et puis COVID est arrivé. Ça a été l'occasion de travailler le projet de façon plus détaillée, d'assainir la recette, la désucrer. Quand j'ai eu l'idée de la commercialiser, j'ai pu monter le projet via mon propre site, et j'ai aussi vu la chance d'avoir un groupe derrière moi. J'avais commencé à faire quelques pots pour le Plaza, et quand le projet du Lana est arrivée, nous avons ajouté les confitures en vente au Bonbon Café.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui commence sa carrière ou souhaite la faire évoluer ?

Si je devais recommencer, je ne changerais rien. Pour ma part, ce qui m'a aidé, c'est de croire, d'être patient.
C'est un métier très complexe, très riche et qui demande beaucoup de pratique. Et pour acquérir cette pratique, il faut du temps. Ça ne vient pas comme ça. Donc, il faut de la patience, de la persévérance, du temps, s'intéresser, s'inspirer.

Ce n'est pas en regardant Instagram que ça vient, même si ça aide. C'est bien d'avoir des objectifs et aller au bout de ses rêves, tout en gardant les pieds sur terre, car il faut de longues années pour acquérir toute cette technique et tout ce savoir-faire.

Lors d'un de mes premiers voyages qu Japon, on me disait qu'il fallait une dizaine d'années pour être maître sushi. En pâtisserie, c'est un peu ça. Et encore, au bout de dix ans, il y a encore du chemin ! Donc, moi, ça fait 35 ans que je fais ça et au contact des jeunes, j'apprends des choses tous les jours ; ils sont motivés et passionnés. Il faut rester à l'écoute si on ne veut pas être à côté de la plaque. C'est ce qui me porte encore.

Pour finir, vos trois desserts préférés ?

On me pose souvent la question ! Je suis très gourmand et j'aime manger, et bien manger. Du moment que c'est bien fait, je suis content. Près de chez moi, j'ai un boulanger-pâtissier qui fait tous les classiques, et rien que ses éclairs à la vanille sont jouissifs ! C'est incroyable.

Mais pour répondre à la question, je dirais en premier, le mille-feuille.
Quand j'ai commencé mon apprentissage, je mangeais toujours les chutes du mille-feuille. Quand le mille-feuille est frais, le feuilletage est caramélisé, croustillant, avec une crème à la vanille moelleuse. C'est un pur bonheur.
Et après, les desserts de saison. J'adore la fraise. Le fraisier, c'est incroyable. Tout comme la tarte à la fraise.

J'ai eu la chance de beaucoup voyager, et j'ai notamment appris des techniques japonaises, dont une que j'ai retravaillé pour faire un roll cake. Avec la technique de ce biscuit que je me suis approprié et que j'ai marié avec des produits français. C'est un biscuit très moelleux, très aérien, qui a une texture mariée à des saveurs à l'intérieur. Ça apporte un plaisir très satisfaisant.

En fait, il y en a tellement ! Je suis obligé de rajouter le chocolat. J'adore le chocolat. On fait un gâteau 100% chocolat à quatre textures : un croustillant, un biscuit, une ganache et une mousse. Les quatre textures réunies sont divines.

L'entrée du Bonbon Café au Lana, Dubaï

L'entrée du Bonbon Café au Lana, Dubaï
Crédit photo © Sonia Taourghi / Journal des Palaces




La boulangerie du Bonbon Café au Lana, Dubaï
Crédit photo © Sonia Taourghi / Journal des Palaces



Sélection de pâtisseries au Bonbon Café au Lana, Dubaï
Crédit photo © Sonia Taourghi / Journal des Palaces



Afternoon Tea à The Gallery au Lana, Dubaï
Crédit photo © Sonia Taourghi / Journal des Palaces



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À propos de l'auteur

Amoureuse des rencontres humaines, Sonia a d’abord développé une carrière dans les médias, avant de s'installer à Londres et de se réorienter dans l’envers du décor digital. Comme une vocation, elle a repris sa plume pour partager la passion et les ambitions de l’hôtellerie de luxe.

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