 |
INTERVIEW – DOMINIQUE GUIDETTI, PRÉSIDENT DES CLEFS D'OR FRANCE : « JE SUIS UN PEU LE DERNIER DES MOHICANS, JE SUIS LÀ POUR DONNER UNE BASE ET PASSER LE FLAMBEAU »
Dominique Guidetti porte une vision de l'association fondée sur la transmission, l'ouverture et la créativité. |
Catégorie : Europe - France - Économie du secteur
- Carrières
- Interviews et portraits
- Carrière - Associations et Syndicats - Interviews
Interview de Romane Le Royer le jeudi 17 juillet 2025
 Dominique Guidetti est, depuis le mois de mars, le nouveau président des Clefs d'Or France, après deux premiers mandats entre 2013 et 2019. Crédit photo © Association des Clefs d'Or - France C’est un retour aux sources pour Dominique Guidetti, élu président de l’Union nationale des concierges d’hôtels Clefs d’Or, lui qui, il y a six ans, avait quitté la direction de l’association reprise par Dimitri Ruiz.
À l’origine, Dominique Guidetti n’avait pas envisagé cette carrière de concierge, il l'a embrassée au fil du temps. Après plusieurs années en tant que cadre commercial, à chercher des pièces détachées d'électroménager difficilement trouvables pour des clients exigeants, il intègre l’hôtellerie de luxe sur les conseils d'un ami, et devra, là aussi, partir en quête de solutions pour des demandes, cette fois pour les visiteurs de la capitale.
Il entame sa carrière hôtelière au sein du mythique George V, tout d’abord en tant que chasseur, où il effectue des courses à l'extérieur de l'hôtel au service des clients de l’établissement. Une opportunité lui permet rapidement de devenir assistant à la loge. La fermeture du futur palace, en 1997, l’envoie à quelques centaines de mètres, à l’hôtel Warwick, où il occupe la fonction de chef concierge, pendant plus d’un an et demi.
Lorsque le George V rouvre sous enseigne Four Seasons, il prend la position de premier concierge durant deux ans, avant d’être appelé pour participer en 2002 à l’ouverture du Park Hyatt Paris-Vendôme, premier palace contemporain de la capitale, en tant que chef concierge. Il y officie depuis plus de 23 ans, apportant une vision singulière de l’accueil, nourrie de sa double culture franco-italienne et d’une passion pour le contact humain.
Celui qui a reçu sa palme en 2000, célébrant ses 25 ans au sein des Clefs d’Or cette année, et qui en est redevenu le président en mars 2025, veut être le lien entre les multiples générations qui façonnent aujourd’hui l’association. Le Journal des Palaces a rencontré Dominique Guidetti, qui s’exprime sur des thématiques toujours portées vers l’avenir de la conciergerie.
Journal des Palaces : Pourquoi être revenu à la tête des Clefs d’Or ?
Dominique Guidetti : J’ai eu plusieurs années de recul, dont trois où j’étais encore au bureau aux côtés de Dimitri. J’ai suivi de nombreux parcours, et j’ai aussi contribué à en initier de nouveaux. Je suis issu d’une génération un peu plus ancienne, c’est nous, par exemple, qui avons ouvert la section FPE (Formation Publique d'État) Concierge d'hôtel, lorsque j’étais secrétaire.
Aujourd’hui, je me dis qu’il faut aller de l’avant, parce que le métier nous l’impose. Il faut aussi comprendre et intégrer les standards, l’éthique de l’association, initialement française, mais qui, aujourd’hui, compte 4.600 membres dans 80 pays différents. C’est aussi pour ça qu’il existe un comité exécutif pour les Clefs d’Or International, dont je fais partie, il faut faire coexister toutes les normes.
Je pense que j’ai encore beaucoup à montrer, avec une équipe qui est très jeune. Je ne voulais pas que les concierges votent pour qui je suis, mais pour un programme. Je souhaite accompagner l’émergence de la nouvelle génération, une grande partie des Clefs d’Or est partie, et je suis un peu le dernier des Mohicans, je suis là pour donner une base et passer le flambeau. Je n’ai pas pris cette décision pour mon avenir, mon parcours étant plutôt derrière moi, je veux transmettre les récits du passé, différents des miens, à ces nouveaux concierges, qui auront eux-mêmes une autre histoire.
Quelle vision pour ce nouveau mandat ?
Je souhaite revenir à une organisation classique, tout en préservant les traditions de l’association. En parallèle, j’aimerais qu’elle puisse aussi offrir des moments de légèreté. Je veux faire des formations, notamment en continu. Le congrès annuel des Clefs d’Or, qui s’est tenu à Madrid il y a quelques mois, a permis à ceux qui étaient présents d’en apprendre plus sur les tendances du secteur, auprès des grands groupes comme Forbes Travel Guide ou American Express. Ceux qui n’y ont pas assisté devront se contenter de nos retours, ce qui reste parfois insuffisant. Je veux aussi continuer de rapprocher les pays membres de l’association, notamment avec les bureaux européens, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et tant d’autres. J’ai un lien spécial avec les Italiens, étant moi-même un fier Franco-Italien, je suis en contact régulier avec mes homologues du Park Hyatt Milan.
J’aimerais que l’association, qui doit garder ce côté « carré », puisse avoir des moments de légèreté, des dîners de gala festifs, ponctués de danse, de chants et même de théâtre ! Les Clefs d’Or doivent devenir plus créatives. J’avais, lors de ma première présidence, organisé un gala sur le thème des années 1920, à la Coupole, et j’avais réussi à faire venir Tom Wolf, fondateur du bureau américain, qui était de passage à Paris. Je veux organiser ces moments de convivialité libérée.
Par quel moyen ?
Je veux ouvrir l’association un maximum. Nous avons une réunion mensuelle, et j’aimerais que le plus de concierges possible se sentent libres de venir, et qu’ils soient consultables. Nous avons remis en place la newsletter des Clefs d’Or, qui est à la base de « l’amitié » qui, avec le service, est une de nos valeurs centrales. Il faut que tout le monde puisse savoir que tel concierge a changé d’hôtel, si l’un d’entre nous a eu un enfant, et à qui on envoie une layette Clefs d’Or. Ce n’est pas une innovation, mais je veux que cette amitié soit au cœur de mon mandat. Je veux reprendre ce que j’avais fait, y intégrer ce qu’on a appris depuis, et aller de l’avant à partir de cela, en y ajoutant une touche de modernité.
Cette modernité passera-t-elle par l’intelligence artificielle, qui s’impose aujourd’hui de plus en plus dans les métiers du secteur de l’hôtellerie ?
À Madrid, nous avons pu échanger avec le Forbes Travel Guide, qui nous a expliqué que l’intelligence artificielle serait un outil dont il allait falloir se servir, mais que l’intelligence émotionnelle resterait, elle, à 95 % humaine. Il est certain que nous devons prendre l’IA comme un outil pour être encore plus performants. Chaque génération a vu apparaître une technologie susceptible de remettre en question notre métier, et pourtant il perdure. Il y a dix, vingt ans, avec les smartphones, les tablettes, avant ça, Internet, ou encore l’arrivée du guide Zagat. Ce qui va faire notre force, c’est l’aspect humain.
Quand j’ai commencé ma carrière, nous cherchions les informations dans les livres, dans les journaux, nous étions alors les seuls détenteurs de la connaissance et le client ne pouvait pas vérifier de lui-même. Pour nous organiser avec les arrivées, les départs ou les demandes des clients, nous avions trois gros livres qui changeaient quasi quotidiennement avec toutes les informations de vols.
Un client qui ne consulte pas le concierge de l’hôtel dans lequel il réside prend le risque de se retrouver devant un restaurant fermé, un chef différent ou encore un établissement qui ne sert plus la même cuisine. Nous apportons une expertise, en plus d’un contact humain, et c’est cela qui est irremplaçable.
À l’instar d’Internet en son temps ?
Exactement. C’était perçu comme une nébuleuse, et nous avions le choix de « prendre ce train », ou de le regretter toute notre vie. Il m’a semblé naturel d’adopter cette nouvelle technologie. Je n’ai pas peur de l’intelligence artificielle, pas plus que je n’avais peur d’Internet. Elle va nous permettre de rectifier ou d’enjoliver des textes, par exemple. Je pense que la conciergerie va s’en sortir grandie, nous allons être encore meilleurs.
Comment allez-vous faire le lien entre les générations au sein des Clefs d’Or France ?
Nous avons remis, en avril, les Clefs d’Or à une nouvelle promotion, mais aussi des palmes à ceux qui sont avec nous depuis longtemps. Je voulais que sur la scène, on puisse avoir différents âges, parce que je tiens à ce que les plus jeunes rencontrent les plus anciens. Il ne doit pas y avoir de tension entre les générations, chacun a quelque chose à apporter à l’autre. Nous voulons nous inspirer du savoir-faire de nos ainés, et intégrer la connaissance moderne de nos jeunes.
Quels conseils donneriez-vous à ces jeunes concierges ?
L’empathie et l’ouverture d’esprit d’abord. Chaque conversation avec un client ou avec un collègue doit servir d’apprentissage pour un concierge, parce qu’on rencontre une grande variété de belles personnes. Il faut également être capable de travailler, et dur. C’est un métier qui peut être difficile dans ses conditions, la loge nous fait rester tard le soir, tôt le matin, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente.
|
|