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INTERVIEW - DAVID SIERRA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ, TERROU-BI, DAKAR : « L'HÔTELLERIE DE LUXE OFFRE UNE PAGE BLANCHE TOUS LES MATINS ET PERMET D'EXPRIMER SA CRÉATIVITÉ » (Sénégal)

À la tête du resort Terrou-Bi depuis bientôt quatre ans, David Sierra accompagne avec brio l'établissement sénégalais, qui est aujourd'hui considéré comme une référence en Afrique de l'Ouest, dans ses diverses mutations.

Catégorie : Afrique Océan Indien - Sénégal - Économie du secteur - Interviews et portraits - Rénovation ou nouveauté dans un établissement - Développement durable - Interviews - Les Leaders du secteur
Interview de Guillaume Chollier le vendredi 17 octobre 2025


David Sierra  Terrou-Bi Dakar portrait

David Sierra dirige l'hôtel Terrou-Bi depuis quatre ans
Crédit photo © Terrou-Bi


David Sierra a l’hospitalité dans le sang. En effet, il est le fils unique d'un père chef de cuisine à l’hôtel Barrière L’Hermitage de La Baule et d'une mère gouvernante générale au Barrière Le Royal, dans la même ville. Pourtant, il s’oriente, dans un premier temps, vers des études scientifiques. Mais, à l’occasion d’un job d’été, le virus de l’hospitalité le rattrape : plongeur dans un hôtel, il tombe amoureux du métier et de son univers. Il décide donc de se réorienter et intègre une école hôtelière : Sainte-Anne à Saint-Nazaire.

« Ce n’était pas la plus prestigieuse, mais elle était à côté de La Baule et lorsque l’on sortait de cette école, nous étions assez facilement embauchés par le groupe Lucien Barrière, qui avait trois établissements à La Baule, l'Hermitage, Royal et le Castel Marie-Louise », nous confesse celui qui occupe désormais le poste de directeur général délégué du resort Terrou-Bi.

Après avoir enchaîné les saisons pendant sept ans, à Courchevel et à Saint-Tropez pour le groupe Alp’Azur, David Sierra intègre le groupe Lucien Barrière à L'Hermitage et évolue dans le groupe : La Baule, Deauville, Enghien-les-Bains. Puis, il effectue une première expérience à l’étranger, à Marrakech, avant d’intégrer le groupe singapourien The Residence qui possède des établissements à Tunis, à l’île Maurice, à Zanzibar, aux Maldives et à Bintan, une petite île indonésienne. Sept ans plus tard, il rejoint le groupe B-Signature et ouvre le Manapany, à Saint-Barthélemy. « Un groupe intéressant, précurseur en matière environnementale dans sa gestion des eaux noires et des énergies renouvelables, notamment », explique David Sierra.

Malheureusement, l’ouragan Irma met fin prématurément à l’expérience. De retour à Paris, il intègre le groupe Barnes à Paris pendant deux ans et demi pour ouvrir la branche hôtellerie, mais le Covid interrompt la collaboration. C’est alors qu’il est contacté pour une mission de quatre mois à Terrou-Bi en janvier 2022. Séduit par le projet, l’implication et la vision des actionnaires, il n’est depuis jamais reparti. À Dakar, le Journal des Palaces a rencontré un passionné de l’hospitalité, pour lequel hôtellerie de luxe rime avec passion et recherche constante de la satisfaction du client.

Journal des Palaces : Comment avez-vous découvert votre passion pour l'hôtellerie de luxe ?

David Sierra : J’ai eu la chance de débuter dans ce secteur très haut de gamme. L’hôtellerie de luxe offre une page blanche tous les matins et permet d’exprimer sa créativité. Il ne s’agit pas de lire ou d'appliquer une Bible. Les demandes de mes clients sont souvent plus liées à l'émotion qu’à un simple besoin d'achat pragmatique. Je peux leur proposer, par exemple, une confiture élaborée localement, en m'assurant que le producteur est convenablement rémunéré. Je veux être dans un rapport win-win.

Comment définiriez-vous l'hôtellerie de luxe ?

L'hôtellerie de luxe met en avant la relation humaine, elle a le souci du détail et est en éternelle évolution. Pour cela, nous devons suivre les réseaux de ventes, les online travel agencies ou les conciergeries privées afin d’être à l’écoute des modes de consommation des clients qui évoluent énormément. Ceux-ci disposent d’énormément de références parce qu'ils arrivent d'Asie, des États-Unis, du Japon… Pour moi, l'hôtellerie de luxe, c'est celle qui touche le cœur de ses clients et qui véhicule de l'émotion, l’effet « waouh ! », tout en cultivant la discrétion et en évitant l’ostentation. Elle sait s'adapter dans le lieu dans lequel elle s'implante. Nous sommes le Terrou-Bi, nous sommes Sénégalais, soyons fiers de l'être et revendiquons-le haut et fort.

Quels objectifs vous ont été fixés à votre arrivée à Terrou-Bi ?

L’objectif est très simple : positionner le Terrou-Bi comme un resort de référence dans l'hôtellerie haut de gamme sur le continent africain.

Quelles sont les nationalités qui séjournent ici ?

Bien évidemment, les Français, puisque nous avons toujours été très liés, que ce soit au travers du Paris-Dakar ou La Baule-Dakar, il y a une longue histoire. Initialement, la relation loisirs avec la France était davantage axée sur Saly, alors que Dakar était davantage une destination d’affaires, avec la présence de nombreuses sociétés françaises.

Les ressortissants ivoiriens et béninois sont très présents parce que de nombreuses sociétés de ces pays sont également implantées ici et les liens économiques entre ces pays sont forts. Ensuite, il y a les États-Unis, avec évidemment l’idée du retour aux sources, la recherche des origines, le symbole de l’île de Goré. Ensuite, les ressortissants espagnols et italiens nous rendent visite également puisqu’ils sont assez proches du Sénégal.

Terrou-Bi est-il, avant tout, un resort d’affaires ?

En effet, 80 % de la clientèle du resort est une clientèle d’affaires à travers le marché corporate, séminaire et incentive. Cela s’explique par le fait que l’offre est relativement limitée à Dakar et que l’État souhaite que la ville de Diamniadio devienne la référence économique du Sénégal. Ainsi, il souhaite redonner à Dakar un caractère plus touristique, tel que cela l’était du temps où il y avait un Club Med aux Almadies. Nous pensons que nous pouvons faire passer la proportion de la clientèle touristique à 35 %.

Terrou-Bi construit une extension d’une centaine de chambres qui correspond à un déficit de chambres dans l’hôtellerie de luxe. La demande en la matière a explosé ces dernières années ?

Cela a, en effet, explosé lorsque je suis arrivé. Ensuite, les élections et le changement de gouvernement ont généré de l’incertitude. Mais, en 2022, nous étions à 92 % de taux de remplissage, ce qui est énorme. Certaines chambres n’ont jamais été libres. Nous avions un terrain, qui était un parking, et on nous a conseillé de valoriser chaque mètre carré. Or, la problématique de notre établissement est de mixer une clientèle individuelle et une clientèle d’affaires dans un même lieu. Et réaliser une centaine de nouvelles chambres nous permet d’atténuer ce problème en les accueillant dans deux établissements différents, mais sous la même entité commerciale.

Quant au MICE, qui représente aujourd’hui 50 % de notre activité, la marge de progression va plutôt s’opérer sur l’évolution du prix moyen que sur la part qu’il représente. Avec les travaux qui sont en cours, nous allons proposer une offre unique avec cette unité dotée de salles de réunion, des salles de sous-commission, un amphithéâtre, un hall d’accueil… Le tout, dédié à la clientèle d’affaires. C’est unique au Sénégal et extrêmement rare en Afrique de l’Ouest.

Donc pour nous, l’objectif va être de faire croître notre clientèle individuelle. Pour cela, nous avons, en parallèle à la nouvelle unité, entamé des rénovations dans le bâtiment « historique ». Le bar Le Diamono a été la première étape, puis le lobby. Enfin, lorsque la nouvelle aile sera terminée, nous attaquerons la réhabilitation des chambres. Pour cela, nous avons réfléchi à une nouvelle décoration chic et élégante. C’est une vraie prise de risque pour ce groupe familial, puisque cela représente un investissement de 30 millions d’euros, financés sur des fonds propres. Mais, nous avons un avantage : nous sommes une équipe soudée, avec un actionnaire qui connaît parfaitement le secteur, qui est présent en permanence, qui est impliqué au quotidien et doté d’une grande écoute. Nous partageons, de plus, la même vision, même si nous n’avons pas le même parcours. De ce fait, nous avons une grande rapidité dans la prise de décision, ce qui permet de réagir vite si nous nous engageons sur la mauvaise voie.

Pour attirer cette clientèle individuelle, Terrou-Bi se distingue en proposant une activité de pêche au gros. Est-il important de se différencier de la sorte ?

Ce sont effectivement des micromarchés qui permettent, au final, de constituer un marché. La pêche au gros, que nous proposons à bord de nos bateaux dédiés, de haute technologie, au départ de notre propre marina, en est un. Les eaux sont riches en poissons, notamment en thons rouges qui peuvent peser jusqu’à 350 ou 400 kilos, ou en marlins. Nous avons une grosse clientèle qui vient des États-Unis, de Russie, de France ou d’Italie pour la pêche au gros. Nous avons un autre micromarché : le surf. Nous sommes situés sur un emplacement où il est possible de surfer toute l’année. En effet, nous sommes à l’extrémité d’une pointe et, avec les vents d’est, d’ouest, du nord ou du sud, il y a toujours des vagues. En conséquence, de nombreuses écoles sont situées à proximité. Enfin, il y a l’art africain à travers la musique, la mode, la peinture…

Comment le resort Terrou-Bi se distingue-t-il d’un hôtel de luxe européen ?

Nous ne sommes pas à Paris, à Londres ou à Tokyo, nous sommes à Dakar. Mais, cela ne veut pas dire que le service au sein de notre cinq étoiles est moins bien que dans ces capitales. Nos collaborateurs, qui profitent des meilleures formations, nouent un lien très fort avec les clients, que l’on appelle ici la Téranga. Cela regroupe des valeurs d’hospitalité et de partage très fortes, qui touchent nos visiteurs.

Terrou-Bi est implanté sur un site d’exception. Quelle est votre politique pour le préserver ?

Nous avons développé depuis bientôt deux ans une énorme politique RSE. Aujourd’hui, nous regardons ce que nous pouvons faire en ce qui concerne les énergies renouvelables, notamment le solaire et l’éolien. Ce n’est pas toujours une démarche évidente en Afrique, où nous n’avons pas forcément accès à toutes les solutions.

Le deuxième volet concerne le tri sélectif. Dans la mesure du possible, nous privilégions aussi le zéro plastique. Pour cela, nous travaillons en lien avec nos fournisseurs. Nous possédons des certifications concernant l’hygiène alimentaire et la sécurité informatique.

S’agissant du volet social, de nombreuses mesures sont appliquées à Terrou-Bi. Chez nous, tous les collaborateurs sont rémunérés au-dessus du salaire minimum local, nous bénéficions tous d’une complémentaire santé, ce qui est rare ici. Nous avons déployé ce que nous appelons une politique d’aides sociales qui représente plus de 170 millions de francs CFA à l’année, soit environ 250 000 euros. Chaque année, nous embauchons 40 apprentis qui passent deux ans chez nous pour se former. 80 % d’entre eux sont recrutés à l’issue de leur formation. Dans la même idée, nous avons entrepris depuis le mois de février de former les 90 managers sénégalais qui travaillent à Terrou-Bi afin qu’ils deviennent des leaders. Cela représente 790 000 euros d’investissement sur deux ans et demi.

Pour acheminer nos collaborateurs jusqu'au resort et les redéposer chez eux, nous avons mis en place un réseau de 19 lignes de bus qui desservent Dakar et ses environs, jusqu’à Diamiadio, située à 33 kilomètres. Nous avons créé un jardin botanique dans lequel nous accueillons les écoles pour leur expliquer comment cela fonctionne. Ce ne sont que quelques exemples d’une longue liste que nous avons élaborée.

Quel est le conseil que vous donneriez à un jeune qui souhaite faire carrière dans l’hôtellerie de luxe ?

D'abord, il doit être sûr que ce soit une passion. Ensuite, il faut qu'il aime les gens, l’empathie naturelle est obligatoire, vis-à-vis de ses collaborateurs, comme de ses clients. Il est nécessaire de ressentir les besoins avant qu’ils ne soient exprimés. Enfin, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur des références. Dans chaque stratégie que j'ai dû mettre en place au sein de mes équipes, je me suis souvent appuyé sur des analyses qui avaient été faites ou sur ce que certains de mes pairs exprimaient.

Terrou-Bi vue aérienne

Terrou-Bi est implanté sur la corniche de Dakar, face à la mer.
Crédit photo © Terrou-Bi




Les chambres de 32 à 121 m2 de superficie sont modernes et confortables. Certaines offrent une vue mer très agréable
Crédit photo © Terrou-Bi



Double vasque, plan en marbre, douche à l’italienne, les salles d’eau des chambres « Prestige » sont habillées de matériaux de grande qualité à Terrou-Bi.
Crédit photo © Guillaume Chollier / Journal des Palaces



Ouvertes sur un balcon agréable, les chambres « Prestige » de Terrou-Bi offrent une vue unique sur la marina de l’hôtel.
Crédit photo © Guillaume Chollier / Journal des Palaces



Grâce à ses spécialités locales et la finesse de sa carte, La Terrasse, s’est imposée comme une adresse de référence à Dakar.
Crédit photo © Guillaume Chollier / Journal des Palaces



Les pieds dans l’eau, La Terrasse offre à ses visiteurs un spot unique dans la capitale sénégalaise.
Crédit photo © Terrou-Bi



Avec sa piscine et sa plage privée, Terrou-Bi séduit autant les touristes que la clientèle d’affaires.
Crédit photo © Guillaume Chollier / Journal des Palaces



Dans l’optique des jeux olympiques de la jeunesse de 2026, une nouvelle aile comportant 100 nouvelles chambres est sortie de terre à Terrou-Bi.
Crédit photo © Guillaume Chollier / Journal des Palaces



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À propos de l'auteur

Journaliste depuis 20 ans, Guillaume est un inconditionnel des lieux exclusifs où se mêlent confort, qualité de service et gastronomie. Le tout, teinté d’une simplicité et de sourire qui sont l’apanage du luxe ultime.

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