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LE DÉFI DE LA FIDÉLISATION DU STAFF (France)

Même si des améliorations sont constatées depuis un an, le secteur hôtelier manque toujours de personnel et continue de mener sa révolution pour séduire et en attirer de nouveaux.

LE DÉFI DE LA FIDÉLISATION DU STAFF (France)

Même si des améliorations sont constatées depuis un an, le secteur hôtelier manque toujours de personnel et continue de mener sa révolution pour séduire et en attirer de nouveaux.

Catégorie : Europe - France - Carrières - Recrutement, emploi, formation
Article rédigé par Christopher Buet le 17-03-2023


Le salon Food Hotel Tech s’est tenu Porte de Versailles les 14 et 15 mars derniers. Deux tables rondes, conçues en partenariat avec le Journal des Palaces, abordaient le sujet central de la gestion des ressources humaines.

La table ronde dédiée à la «fidélisation du staff» réunissait Solenne Ojea-Devys, directrice générale d’Okko Hotels, Nicolas Saint-Marc, VP Talent & Culture France chez Accor, Romy Carrere, directrice de la rédaction du journal L’Hôtellerie Restauration, Vincent Sitz, président de la Commission Emploi et formation du GHR, autour de notre journaliste Vanessa Guerrier-Buisine.

La table ronde dédiée à la «crise des vocations», réunissait Julie Crozet, responsable des ressources humaines du palace parisien La Réserve Paris, Florent Malbranche, CEO de Brigad et Jean-Michel Chapuis, professeur à l’IREST - La Sorbonne.

« Ce qui nous est tombé dessus après le Covid, couvait certainement depuis un moment », cadre d’emblée Solenne Ojea-Devys, rappelant que le sujet de l’attractivité a plusieurs causes: les rythmes de travail, les rémunérations en début de carrière pas toujours suffisantes ni cohérentes avec les compétences demandées, une vision des métiers qui n’est pas positive.

Plusieurs mois après la fin de la pandémie, le secteur de l’hôtellerie-restauration subit encore les effets de cette période avec près de 350.000 postes à pourvoir, dont la moitié à temps plein, contre 150.000 en 2019. Un manque de personnel qui a parfois fragilisé les établissements et leurs équipes. « Il a y une pression forte sur les salariés encore en poste et une insatisfaction forte de la clientèle en raison des prix élevés qui a pesé sur le moral », convient Nicolas Saint-Marc.

Face à ses difficultés de recrutement, le secteur s’organise et entreprend d’apporter des solutions afin d’attirer de nouveaux talents. Aussi,la concurrence est forte notamment concernant les diplômés des écoles hôtelières, opérationnels immédiatement. « Ils sont ultra-courtisés et il faut se démarquer pour les attirer », relève Solenne Ojea-Devys, qui valorise, pour ce faire, l’implication d’Okko sur les thématiques RSE.

Toutefois, cette population est une ressource rare et insuffisante pour couvrir les besoins des établissements qui doivent élargir leur horizon pour compléter leur personnel, en recrutant notamment des profils atypiques, parfois sans formation. « Face à une population qui n’a pas les codes hôteliers, nos managers ont été désarçonnés. Nous avons dû nous adapter pour les accompagner au mieux », poursuit la dirigeante d’Okko. «Il faut accueillir des personnes qui vont apporter des petits savoirs et de nouvelles façons de travailler. Ce sera tout bénéfice pour l’entreprise», loue Florent Malbranche.

Ce recours, toutefois, le luxe fait en sorte de ne pas en abuser. «Nousvoulons que ces solutions restent ponctuelles parce que nous sommes dans un environnement où nous faisons de la personnalisation de service et nous ne pouvons pas nous permettre de mettre des collaborateurs différents face à nos clients. Cela fait partie des nouveaux défis sur lesquelles nous avons dû nous adapter», éclaire Julie Crozet.

Une organisation qui se réinvente


Recruter est une chose, convaincre de rester en est une autre. Une tâche compliquée qui commence dès l’entretien où l’employeur se doit de comprendre le projet du candidat. «On est face à certains profils où on est dépassé», constate Julie Crozet, s’étonnant de nouvelles recrues qui finissent par quitter l’entreprise plus tôt que prévu, car leur projet a subitement changé.

Si là, les établissements sont impuissants, il est un point sur lequel ils ont la main:jouer la transparence et l’honnêteté sur son projet et les perspectives qu’il offre: « Il faut qu’il y ait une promesse employeur qui soit tenue. Dans l’industrie du service, ce sont les collaborateurs qui font vivre nos activités. On peut faire de super beaux lieux, mais ce qui fera revenir les clients ce sont nos collaborateurs, leur sourire. C’est le cœur de notre business », résume Soenne Ojea-Devys en accord avec l’assemblée. « Il faut que la promesse soit authentique. Si la réalité est trop éloignée, ils ne vont pas vous rater », abonde Nicolas Saint-Marc.

Ce dernier insiste sur la nécessité de travailler sa marque employeur, même si cela peut coûter cher, notamment pour les plus petites structures, en cultivant sa singularité. Conscients de leur responsabilité, les différents acteurs du secteur ont commencé d'opérer des changements. Vincent Sitz indique ainsi que la grille des salaires a été revue à la hausse de 15 %.

Des expériences sont aussi tentées, en osant, par exemple, la mise en place d’une semaine de 4 jours ou de l’auto-planning avec une équipe qui se gèrerait en autonomie: «L'industrie doit se remettre en question (…) Il faut qu’on arrive à proposer plus», convient Julie Crozet qui encourage les équipes de La Réserve à la cooptation, une pratique récompensée par des primes, qui a l’avantage de rassurer la personne qui rejoint l’hôtel alors que le collaborateur s’adjoint des nouveaux collègues de choix.

Autre option explorée: des contrats assouplis pour séduire des collaborateurs simplement en quête d’un complément de revenus, à côté de leur activité principale. « Cela nous complexifie la tâche », admet Nicolas Saint-Marc qui a dû revoir sa manière d’organiser ses plannings chez Accor.«C'est un défi», apprécie de son côté Florent Malbranche, qui voit dans cette nouvelle donne le moyen d’explorer d’autres options. À La Réserve, cela se traduit aussi par des postes hybrides, enrichis imaginés sur la base des retours des collaborateurs pour offrir plus de variétés dans les missions. «Nous avions un responsable économat et stewarding qui est en charge aujourd’hui de la mise en place de la politique RSE de l’entreprise», illustre-t-elle.

Ces initiatives forment « une tendance de fond » et dessinent un nouveau rapport au travail de la part de la nouvelle génération, désireuse d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Des demandes parfois antinomiques avec les impératifs hôteliers, comme le rappelle Julie Crozet: «Je ne peux pas mettre des robots face à mes clients pour que mes collaborateurs puissent avoir la vie qu’ils souhaitent», dit-elle sans se fermer à un dialogue pour trouver des aménagements. «On s’adapte, mais jusqu’à un certain point.»

Julie Crozet comprend pourtant l’attente de plus de flexibilité, malgré une grande complexité d’organisation pour un établissement ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. «Je ne dis pas que c'est une fatalité... mais […] il faut que ça tourne et […] c'est un métier de passion aussi» conclut-elle.

Former à tous les étages

Cet investissement sur les conditions de travail se conjugue avec un réel soin apporté à l’accompagnement des équipes et au parcours de chacun :« Si on est mal onboardé, il y a plus de risques que le collaborateur abandonne. Il faut prendre du temps pour les accompagner », indique Solenne Ojea-Devys.

Un accompagnement qui passe donc par l’onboarding, permettant d’accélérer l’insertion tout en libérant du temps pour les managers, et l’e-learning, pour une formation en continu. «On apprend beaucoup plus et beaucoup plus vite», estime Florent Malbranche.

Les hôteliers accordent aussi une importance particulière à l’« offboarding ». Il s’agit d’anticiper le départ d’un collaborateur et de faire en sorte que celui-ci garde une image positive de l’entreprise afin de préserver sa réputation par la suite, pour encourager de futures embauches.

«Un vrai enjeu de révolution managériale»

Si les collaborateurs font l’objet d’un suivi particulier, c’est également le cas des managers. « Il y a un vrai enjeu de révolution managériale à mener dans notre métier », pointe Vincent Sitz. Pour lui, l’adaptation est essentielle, carles enjeux liés au management sont cruciaux. « C’est hallucinant le nombre de personnes qui assurent vouloir quitter leur emploi ou détériorer leur travail pour se venger juste à cause de leurs managers », témoigne Solenne Ojea-Devys qui appelle à une prise de conscience sur la manière dont il faut accompagner les jeunes managers, leur donner les clés de la réussite.

Dans une étude menée en 2021 par nos confrères de L’Hôtellerie-Restauration auprès de 6.000 élèves d’écoles hôtelières, il apparaît que nombre de managers manquent de savoir-faire et des bases pour diriger une équipe. « Les premiers qui devraient faire des formations, ce sont les managers, car il n’y a pas de formation à l’école sur le management or, ce n’est pas inné », appuie Romy Carrere.

«Être manager est encore plus compliqué qu’avant. Il faut les former à l’écoute, aux basiques du leadership. La génération qui arrive a besoin de cette communication et de cette reconnaissance, pas forcément pécuniaire», confirme Julie Crozet, s’appuyant sur ses observations à La Réserve. «L'écoute est clé en management. Il ne faut pas forcément envoyer les managers en formation, mais leur apprendre à écouter pour comprendre les problématiques et savoir comment générer des feedbacks », conclut Nicolas Saint-Marc.

Face à un environnement professionnel qui s’est considérablement renouvelé, le secteur hôtelier a pris conscience de ce qu’on attend de lui et de l’adaptabilité nécessaire, mais ne doit pas être le seul à supporter tout le poids des responsabilités. Les professionnels comptent aussi sur leurs clients pour témoigner leur reconnaissance aux collaborateurs et un changement collectif de vision sur les métiers de l’industrie. «Il faut que ces métiers soient valorisés et valorisants », invoque Florent Malbranche. Une bienveillance nécessaire pour reformer un cercle vertueux.

A propos de l'auteur

Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.


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