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INTERVIEW – SOLENNE OJEA-DEVYS, DIRECTRICE GÉNÉRALE D'OKKO HOTELS : « RÉCONCILIER L'HÔTELLERIE AVEC SON ENVIRONNEMENT ÉCOLOGIQUE ET SOCIAL » (France)

Premier groupe hôtelier à devenir société à mission, OKKO a embrassé une démarche RSE inscrite à la fois dans l’ADN et dans les statuts de l’entreprise

INTERVIEW – SOLENNE OJEA-DEVYS, DIRECTRICE GÉNÉRALE D'OKKO HOTELS : « RÉCONCILIER L'HÔTELLERIE AVEC SON ENVIRONNEMENT ÉCOLOGIQUE ET SOCIAL » (France)

Premier groupe hôtelier à devenir société à mission, OKKO a embrassé une démarche RSE inscrite à la fois dans l’ADN et dans les statuts de l’entreprise

Catégorie : Europe - France - Économie du secteur - Carrières - Interviews - Recrutement, emploi, formation Développement durable - Interviews
Interview réalisé par Vanessa Guerrier-Buisine le 03-01-2024


Solenne Ojea-Devys, directrice générale d'OKKO Hotels

Solenne Ojea-Devys, directrice générale d'OKKO Hotels
Crédit photo © Okko Hotels

La passion se transmet de père en fille dans la famille Devys. C’est ainsi qu’Olivier Devys a passé 16 ans chez Accor à occuper des postes stratégiques, avant de se lancer dans une aventure folle : celle de créer sa propre marque d’hôtels, ex-nihilo. Une aventure dans laquelle il est rapidement rejoint par sa fille, Solenne, professionnelle du marketing. OKKO naît alors, avec quelques lignes directrices : une localisation hyper centre-ville, pour « répondre aux enjeux de la mobilité et du tourisme de demain » se rappelle Solenne, de petites chambres de 18 m², « très disruptif en 4 étoiles à l'époque », et des parties communes « particulièrement généreuses et travaillées », en cassant l'idée d’une pièce pour une fonctionnalité. Le Club OKKO, signature de la marque, prend forme, un espace ouvert 24 h sur 24.

Une marque qui a, depuis sa création en 2014, grandement évolué, retravaillé son modèle économique, mais surtout pris le parti de devenir le premier groupe hôtelier à adopter le format « Société à mission ». Un engagement autant en faveur du bien-être des 250 collaborateurs de la marque que pour limiter l’impact environnemental de l’entreprise.

Pour le Journal des Palaces, Solenne Ojea-Devys détaille cette démarche et les défis qu’elle soulève.

Journal des Palaces : Qu’est-ce qu’une société à mission ?

Solenne Ojea-Devys : La société à mission n'est pas un label, ce qui implique qu’il n’existe pas de grille de critères avec un système d’évaluation. C'est un grand défi d'un point de vue intellectuel, il y a une dimension quasi philosophique. La société à mission est issue de la Loi Pacte, qui avait pour objectif de restaurer, de développer la compétitivité des entreprises françaises et en particulier des PME.

Par conséquent, de nombreuses PME, familiales notamment, ont cette capacité à, non seulement avoir un but économique, car la survie de l'entreprise dépend de sa capacité à fournir de la rentabilité, mais à se donner une mission qui anime les collaborateurs et les dirigeants. Et cette mission aide tout autant l'entreprise à avancer que le profit généré.

C’est dans cet esprit que la société à mission a vu le jour.

Quel a été le déclencheur pour faire d’OKKO une société à mission ?

Il y a eu deux éléments déclencheurs. Nous avons mené un travail de réflexion pendant le COVID sur notre marque. Nous sommes partis du constat que lorsque nous avons lancé OKKO en 2014, nous étions un concept ultra-disruptif sur le marché. Depuis, de nouveaux concepts se sont créés et notre propos, qui était moderne en 2014, est devenu beaucoup plus diffusé dans l'industrie. Nous voulons, au moment de célébrer les 10 ans de la marque en 2024, être aussi désirable que nous l’étions en 2014. Nous nous sommes donc interrogés sur ce que nous devions garder de ce que nous sommes profondément, ce que nous devions accentuer et sur quel type de piste nous devions innover.

J'appartiens par ailleurs à un petit club d’hôteliers indépendants ayant de petits groupes, Nextgen. Nous avons évoqué la société à mission lors d’une de nos réunions, et un membre du groupe m’a interpelée en affirmant qu’OKKO était plus que légitime à se lancer dans cette démarche. Mais, ce n’était pas simple, car il y a tout un aspect médiatisation et je savais que si l’on se lançait, il fallait que j'assume le fait d'être porte-parole de cette démarche.

Quelles étapes avez-vous suivies pour devenir société à mission ?

La première étape, la plus difficile, est de décrire sa mission. C’est un moment de grande réflexion personnelle qui nécessite de discuter avec l'ensemble des parties prenantes. Il faut que la mission embarque toutes les équipes et toutes les parties prenantes, que tout le monde s'y retrouve. Ainsi, c'est un projet d'entreprise, mais à insérer dans un contexte de marché et de concurrence, en affirmant sa différence.

La personne qui nous a accompagnés a mené des entretiens avec nos actionnaires, avec des personnes qui travaillent avec nous depuis longtemps, des fournisseurs et des experts de l'hôtellerie, sur l'image qu'on avait, en quoi nous étions différents, sur quoi nous pouvions nous challenger, nos forces, etc. Nous étions en réalité perçus comme une entreprise RSE. Nous avions toujours fait attention à une multitude d’éléments, mais sans même en parler, car c’était du bon sens pour nous. Pourtant, pour les jeunes collaborateurs, il y avait ce côté « OKKO est un employeur RSE ».

Nous avons mis neuf mois pour écrire notre mission, là où la moyenne est d’un an. Il fallait alors porter cette proposition auprès des actionnaires. Après leur validation, nous avons pu modifier nos statuts, avant de créer un comité de mission.

Quelle est la mission d’OKKO ?

Notre raison d’être, inscrite dans nos statuts, est la suivante :
Convaincus qu’il nous appartient de réconcilier l’hôtellerie avec son environnement écologique et social, nous nous sommes donnés pour mission de concevoir des lieux qui font rimer hospitalité haut de gamme et sobriété écologique.

Aussi, nous nous attachons à imaginer une expérience hôtelière à impact neutre, voire positif, portée par une stratégie d’entreprise aussi attentive à ses clients qu’à ses collaborateurs. Enfin, sur cette trajectoire de progrès, nous prenons le parti d’une pédagogie positive et d’une approche coopérative pour emmener l’ensemble de nos parties prenantes.

Nous avons défini quatre objectifs statutaires :
  • Prendre soin de ses hôtes, comme de ses équipes, en créant des lieux de vie généreux, attentifs au bien-être de chacun et écologiquement sobres ;
  • Respecter les territoires d’implantation et l’authenticité d’expérience et de produits qu’ils proposent, tout en contribuant au dynamisme économique local ;
  • Choisir constamment avec ses partenaires et fournisseurs les solutions les plus vertueuses possibles ;
  • Inciter chacun à adopter un mode de vie à impact environnemental le plus neutre possible, progressivement positif.
Chaque objectif est intégré à notre feuille de route et à notre plan d’action, avec des KPI et l’investissement à prévoir.

Votre mission définit en réalité votre démarche RSE ?

Exactement, nous n’avons plus de stratégie RSE, nous avons l'entreprise à mission. Cela regroupe tous les sujets sociaux, marque employeur et tous les sujets développement durable. C’est ce qui est très intéressant, d'un coup, tout s'imbrique.

Quelle est l’utilité du comité de mission et qui sont les membres du vôtre ?

Le comité est un vrai contre-pouvoir dans l’entreprise ; il est le pendant RSE du comité d'administration. Ainsi, comme dans le comité d'administration, il y a le dirigeant, donc moi-même, notre directrice de marque, Jeannette Peyre, en charge de la mission dans l’entreprise.

Puis, nous avons un représentant des collaborateurs, pour lequel nous avons réalisé un appel à candidature. C’est Michel Garnier, notre directeur de Grenoble, chez OKKO depuis plus de sept ans, qui a été désigné ; et nous avons décidé de mobiliser les cinq autres candidats sur des task force dédiées.

Nous avons par ailleurs deux membres bénévoles de l'extérieur, qui vont venir attester de la qualité de la démarche et qui vont nous challenger. À date, nous avons Thibault Lamarque, le fondateur de Castalie, et du podcast « la relève », qui met en avant les entrepreneurs qui participent à cette transition. Nous avons également Alexandre Bellity, fondateur de Cleany, et nous cherchons un troisième membre extérieur, une femme, pour rejoindre notre comité de mission.

Avez-vous rencontré une résistance au changement au sein de vos équipes ?

Chez nous, ça n'existe pas, ce n'est pas une problématique que j'ai rencontrée avec mes équipes. Pourtant, j'entends beaucoup d’hôteliers me dire cela lorsque nous échangeons sur les sujets de RSE. Ce n’est pas un sujet chez nous, car nous avons des équipes très jeunes et que nous sommes positionnés sur la RSE.
Certains collaborateurs nous rejoignent, alors qu’ils ont des propositions à 10 k€ de plus dans des grands groupes.

Pour diverses raisons, car le siège est en centre-ville, car nous sommes une entreprise familiale et qu'ils savent qu'ils ont un accès plus direct au top management, car nous proposons des progressions de carrière plus rapide, car il y a une ambiance en interne agréable, un management participatif, mais également, car ils savent qu’ils travailleront dans une entreprise qui s’intéresse à eux.

Quels conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite se lancer ?

  1. N’y allez que si vous êtes convaincus de la nécessité de la démarche. Il faut compter entre 6 à 18 mois selon les entreprises, il faut donc être prêt à investir des moyens et notamment du temps avant de récolter les fruits de ce travail. Comme tout projet stratégique, il faut penser long terme!
  2. Soyez prêts à changer votre mode de gouvernance, ça n’est pas une contrainte, mais un moyen de ne plus traiter la RSE comme un sujet parmi tant d’autres, en le mettant à l’origine des choix stratégiques de l’entreprise. Pour cela, il vous sera nécessaire d’avoir le contrôle de votre entreprise ou d’avoir à vos côtés des actionnaires qui partagent votre vision. Si ce n’est pas le cas, changez d’actionnaires!
  3. N’essayez pas de tout rationaliser: le temps que vous y passerez, combien ça va coûter et rapporter. Cette démarche a indéniablement des externalités positives qui sont propres à chaque entreprise. Et si vous vous posez trop de questions, retour au point 1»

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A propos de l'auteur

Journaliste experte de l’hôtellerie de luxe et inspirée par les femmes et les hommes qui l'incarnent, Vanessa aspire à valoriser et sublimer la beauté et l’élégance des palaces à travers ses écrits. “Dans un palace, la simplicité sert la quête de l’excellence” admire-t-elle.


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