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UN ESCAPE GAME À LA SAUCE GRAND RESTAURANT (France)

« L’objectif d’un jeu comme celui-ci et d’une école hôtelière est de mettre le théâtre au centre de la formation, car nous sommes dans un métier d’expression, face à un client, et où l'on doit être capable de jouer un personnage ».

UN ESCAPE GAME À LA SAUCE GRAND RESTAURANT (France)

« L’objectif d’un jeu comme celui-ci et d’une école hôtelière est de mettre le théâtre au centre de la formation, car nous sommes dans un métier d’expression, face à un client, et où l'on doit être capable de jouer un personnage ».

Catégorie : Europe - France - Carrières - Recrutement, emploi, formation
Article rédigé par Christopher Buet le 17-05-2023


Il est 19h et tout à coup, les lumières s’éteignent, les fenêtres se ferment. La salle est plongée dans le noir, quand une alarme retentit, accompagnée d’une lumière rouge. La surprise est totale et redouble une fois le silence revenu. « Bonjour, bienvenue au restaurant Les Saveurs de Jehanne. Les portes sont verrouillées, il vous est à présent impossible de quitter les lieux. Pour pouvoir sortir, il vous faudra résoudre l’ensemble des énigmes en un temps imparti. À vous de jouer. » Le décor est planté d’entrée.

Non, il ne s’agit pas d’un synopsis de film, mais bien du point de départ du tout premier escape game culinaire.

Une idée lycéenne

Un projet né des réflexions d’une classe de Seconde du lycée hôtelier Jehanne de France à Lyon. En début d’année scolaire, les 20 élèves sont invités à travailler une nouvelle matière : la co-intervention. Il s’agit d’associer deux disciplines, en l’occurrence, le français et les arts de la table. « Nous voulions jouer sur la théâtralité, l’oralité, dire ce qu’est le métier de serveur […]. Au lieu de faire des cours magistraux, nous avons créé un projet », introduit Kevin Mauban, professeur de restaurant et encadrant de ce projet.

L’initiative est laissée aux élèves pour choisir la forme, et l’idée de l’escape game émerge. Il s’agit d’une activité très en vogue ces dernières années, consistant à "enfermer" les participants dans une pièce, dont ils doivent s’échapper en moins d’une heure en résolvant des énigmes.

Si de nombreux thèmes ont déjà été explorés (piraterie, enquêtes, prison, vignoble…), jamais celui du restaurant n’avait été mis au centre du concept. En raison des contraintes, le projet a été adapté. « Avec le service, faire bouger les clients dans le restaurant aurait été trop compliqué donc nous avons fait un escape game à table. Nous avons cloisonné les tables pour qu’elles aient leur espace, comme ça elles ne se voyaient pas », explique Kevin Mauban.

Neuf énigmes à résoudre

Pour construire leur escape game, les élèves ont ainsi dû imaginer neuf énigmes, trois pour chaque temps du repas : l’apéritif, le plat et le dessert. Pour y parvenir, ils ont convoqué les connaissances accumulées durant l’année scolaire : l’art de la table, la sommellerie, les cocktails, l’écriture, la prise de parole en public, et l’éloquence. « En cours d’arts de la table, j’ai donné beaucoup de notions sur les marques et les fournisseurs de cristallerie, verrerie, coutellerie, linges », indique le professeur qui a officié pendant cinq ans au Bristol comme garçon de salle, demi-chef de rang puis chef de rang.

Durant six mois, les futurs professionnels ont planché sur leur concept, affinant leur approche. Pour le cocktail, par exemple, le choix s'est porté sur la piñacolada. La première des énigmes a tourné autour de l’analyse sensorielle, déclinée en trois étapes. Tout d’abord, le toucher, avec un objet mystère enfermé dans une boîte, et à identifier avec la main ; ensuite, l’odorat, avec des feuilles de papier crépon imbibées de rhum ; puis la vue et le goût, au travers d’un glaçon de jus d’ananas coloré en rouge. « Les clients sont tous partis sur de la grenadine ou de la fraise », s’amuse l’enseignant.

La seconde énigme a donné lieu à une joute verbale entre un barman et un pirate, dans un décor rappelant les îles, les deux protagonistes retraçant l’historique du cocktail, sans jamais en prononcer le nom. Enfin, la troisième se résuma à une sorte de scrabble avec les lettres à retrouver et à remettre dans l’ordre.

Au terme de chaque énigme, des chiffres étaient donnés aux clients pour former à la fin un numéro de téléphone, celui de l’accueil du lycée, où une élève attendait pour répondre et leur signifier la fin du jeu. Avertis qu’ils participeraient à une soirée à thème, les clients de ce restaurant éphémère ignoraient tout de ce qui les attendait et se sont laissé prendre. « Ils étaient agréablement surpris de l’idée, qu’ils ont trouvé originale et novatrice. Ils étaient contents d’apprendre en jouant et en mangeant », indique Kevin Mauban, à qui l'on a assuré que ses élèves donnaient l’impression d’être des professionnels.

« Chaque service doit être un début de spectacle qui se lance »

Plus qu’une activité ludique, l’escape game était un prétexte pour mettre en scène les élèves. « Mon objectif était que les élèves soient capables d’animer le jeu », glisse le professeur d’art de la table. Car, à ses yeux, le service peut s’apparenter à une pièce de théâtre, aux codes particuliers. « Si l'on se concentre sur le fait de prendre des assiettes et de les poser sur une table, ça ne suffit pas. Le côté théâtral est très important. L’objectif d’un jeu comme celui-ci et d’une école hôtelière est de mettre le théâtre au centre de la formation, car nous sommes dans un métier d’expression, face à un client et où l'on doit être capable de jouer un personnage. Nous ne l’avons pas encore suffisamment compris dans le milieu hôtelier et dans l’enseignement […]. Chaque service doit être un début de spectacle qui se lance. Plus vous allez vers du gastronomique, plus vous devez faire vivre une expérience unique aux clients et elle passe par les serveurs », soutient-il.

Dans le même temps, Kevin Mauban veut montrer que les métiers du service peuvent être attractifs avec une évolution rapide, comme pour lui, qui a été directeur de restaurant à 24-25 ans. Surtout, par cette initiative, il prouve qu’apprendre peut prendre différentes formes. « Si nous avons envie de former les professionnels de demain, il faut réussir à stimuler les jeunes. L’usage de la pédagogie par le jeu permet l’apprentissage à long terme de façon ludique », est-il persuadé.

Si les deux soirées organisées les 24 et 31 mars dernier ont été des réussites incontestables, avec des élèves qui se sont révélés, le truculent professeur voit encore beaucoup de pistes d’amélioration et se verraient bien approfondir ce concept inédit et porteur de promesses avec la même classe en Première, puis en Terminale. « Je pense, par exemple, à un escape game culinaire médiéval où l'on pourrait s’intéresser aux coutumes et aux habitudes alimentaires de l’époque avec tout un décor et un service en lien », glisse-t-il. Comme une promesse, avant peut-être d’étendre le concept et de le pérenniser au sein d’un véritable projet hôtelier ou de restauration.

A propos de l'auteur

Journaliste aux multiples atouts et voyageur curieux, Christopher a une grande appétence pour les établissements au raffinement soigné, où s’accordent gastronomie de caractère, service impeccable et élégance sincère. Une plume discrète et gourmande au service d’une certaine idée du luxe.


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